Cet exceptionnel coup de cœur pour une pièce (d’après un texte d’auteur) est inspiré par le bonheur de retrouver l’écriture d’un écrivain majeur, bien trop oublié aujourd’hui. Belle surprise que le spectacle donné sous chapiteau par une compagnie « toulousaine » qui nous replonge dans le phénomène littéraire, théâtral et politique, l’ami Yacine Kateb. L’auteur bouleversa le monde des lettres et le monde tout court par la publication durant la guerre d’Algérie du roman Nedjma, un des chefs d’œuvres de la littérature algérienne en français. Il écrivit et monta nombre de spectacles théâtraux, cherchant plus la sensibilisation et l’édification populaire que la consécration officielle. « L’œuvre théâtrale de Kateb Yacine est un cas exemplaire de cette Tragédie moderne […] l’art théâtral, essaie d’approcher le monde, de le concilier à lui-même, et peut-être d’éclairer ainsi le destin commun de tous les hommes » écrivit Edouard Glissant dans une introduction au Cadavre encerclé. Le texte de Boucherie de l’espérance est un fouillis riche de culture (avec vers et chœurs), où l’on se frotte à un tabou : les lieux saints. Comme beaucoup de ceux de l’auteur, il fourmille de sensibilité et d’intelligence, de poésie parfois. Preuve que l’écrivain algérien n’ignorait rien de ce « tribut de guerre » qu’était pour lui la langue française et vision à long terme, terriblement encore actuelle des rapports Israël-Palestine. Mohamed vole des olives dans le jardin du mufti. « J’habite le Mont des oliviers et je suis obligé de voler des olives ! » grimace Mohamed Zeitoun ( » olive  » en arabe…). C’est avec cette scène que s’ouvre la pièce et le ton est donné : drôle, caustique, légèrement acide. Elle continuera par une succession de scénettes dans le genre agit-prop, comme celle des deux boxeurs : « On se bat bien mieux / En dehors des cordes. / Je vais mener la guerre du peuple. » Elles sont jouées avec vivacité par des acteurs énergisés dans l’explosivité du sujet et la mise en scène en capharnaüm monté comme une horloge. C’est le sort du petit Arabe spolié, comme celui du petit Moïse utilisé, qui tiennent le haut de la scène. Une démarche humaniste. Il en est besoin, surtout sur ce sujet.

* Compagnie théâtrale itinérante sise à Toulouse : agit@free.fr et www.agit-theatre.org