Peu d’auteurs furent aussi médiatisés en ce siècle, que Boualem SANSAL. Il faut dire que le pouvoir algérien a fait fort en incarcérant cet écrivain au motif d’un délit d’opinion. Ce qui, depuis la déclaration universelle des droits de l’être humain, est non seulement injuste mais encore contraire au droit. Ainsi, par ses romans et pamphlets dénonçant des travers outre-mer, l’homme rappela-t-il à qui l’oublierait, que l’Algérie est hélas passée de la dictature colonialiste à une autre dictature « nationale » et religieuse. Son talent et sa constance n’ont pas à être contestés, son œuvre existe et rencontre un intérêt de nombreux lecteurs. C’est en une autre dimension que les médias se répandent… ou pas. Car après un concert de protestations et lamentations, voici que sa libération s’est déroulée dans la plus grande discrétion. Intérêt politique oblige, pour les gouvernements algériens et français qui n’ont maintenant pas besoin de mettre le feu aux poudres.
Quant à moi qui vécus des années en Algérie et qui fait partie de la grande part de Français concernés par tout ce qui se passe « là-bas », l’affaire m’inspire pas mal de circonspection. Bien sûr, la révélation d’éléments troubles dans le passé nous touche. Les collusions entre terroristes et un fascisme, dans la « décennie noire » et dans la deuxième guerre mondiale aussi bien qu’en d’autres temps, donnent la nausée. La découverte d’un passé enfoui et bien recouvert, cela brûle là où on voulait être sourd et aveugle. C’est peut-être dans Le village de l’Allemand que l’auteur retourne le plus le couteau dans la plaie : « C’est bête comme on ne connaît pas l’histoire de son pays. Je me demande combien dans le monde sont capables de raconter de A à Z, sans se perdre dans quelque beau rêve de secours, l’histoire de leur village, leur quartier, leur maison. Et sûrement très peu connaissent l’histoire de leur famille. » Découvrir cette histoire n’est pas passer le temps. « Je ne le savais pas encore, notre propre histoire, surhumaine et folle, allait bientôt m’éclater à la gueule et me tuer. »
Tandis que j’ai beaucoup lu des auteurs Algériens dont – le sait-on ? – sont des gens de talent, j’ai peu lu cet auteur révélé assez récemment. Car j’avais décidé de cesser les nombreux aller-retour que j’ai accomplis pour écrire romans et reportages. Or, s’il crève avec adresse divers chancres sociaux, le passé français de l’Algérie ne me semble guère occuper le devant de la scène dans l’œuvre de Sansal. Et s’il en est bien trop question sur l’autre rive de notre mer, c’est pourtant ce qui devrait tarauder les français alors que règne ici l’omerta. Les Oradour nombreux en Algérie en « guerre sans nom », plus ou moins connus de certains, restent non reconnus publiquement dans l’hexagone. Les yankees ont, eux, mieux fouillé leur histoire avec le Vietnam. Et puis franchement, un auteur qui s’affiche d’extrême droite, j’avoue que cela ne me paraît guère appétissant. Quoique, à la réflexion, cela puisse peut-être éclairer sur des raisons de tout un électorat qui s’apprête à voter RN…
