Réponse dans L’Exil et le royaume d’Albert Camus, nouvelles aux Éditions Folio.

De l’auteur de L’étranger il est toujours beaucoup question, d’autant qu’après « Meursault, contre-enquête » publié par Kamel Daoud, sort aujourd’hui le film L’étranger de François Ozon. Sans oublier le talent de Camus, il faut croire que les français – et les Algériens – recèlent quelque chose de tenace dans leur inconscient collectif.

Je viens de lire ces nouvelles en un volume publié par Gallimard, belle édition numérotée avec lettres dorées sur couverture cartonnée. N’ayant pas le culte bibliophile mais pratiquant celui de la littérature, je me suis plongé avec curiosité dans ces textes. Beaucoup sont vigoureux, voire violents, jusqu’à l’absurde. Certaines nouvelles surprennent par une écriture sèche que l’on n’attendrait pas de l’auteur de Noces. Peut-être des textes désenchantés après les splendides écrits de jeunesse ? Car ce recueil est paru en 1957. C’est parmi les dernières œuvres littéraires de Camus publiées du vivant de l’auteur. Sans allusion à l’Algérie on y retrouve pourtant une vision aiguë de la condition humaine.

Après « Le Renégat » qui évoque la transformation d’un dévot militant en suppôt de Satan, tout aussi violent vient « Jonas », histoire d’un peintre adulé sans l’avoir vraiment voulu puis vivant la chute dans l’incapacité de travailler. On pourrait sans doute transposer du peintre à l’écrivain… Surtout je fus surpris par « La Femme adultère »… où nul acte proprement adultère n’est commis mais bien une sorte de « tromperie » psychique et sentimentale lorsqu’elle délaisse la couche conjugale pour une extatique promenade solitaire de nuit. Pas sûr que ce soient ses meilleurs textes mais Camus ne déçoit décidément pas. Car on retrouve aussi ses notes existentielles qui frappent comme un coup de froid ou de soleil, tels les mots sur ceux qui couchent seuls  : « tous les soirs dans le même lit que la mort. » Et encore : « l’eau de la nuit commença d’emplir Janine, submergea le froid, monta peu à peu du centre obscur de son être et déborda en flots interrompus jusqu’à sa bouche pleine de gémissements. »