Ecrivain

Catégorie : Réactions aux actualités (Page 5 of 12)

Anniversaire de Gilles Deleuze : le paradoxe du philosophe. (RMP le 17/01/2022)

Le 18 janvier 1925, naissait Gilles Deleuze, un philosophe phare de la pensée française. Or, il se donna la mort en se défenestrant en 1995. Victime d’une maladie pulmonaire incurable, il se suicidait ainsi avec de terribles moyens du bord. Sachant que le philosophe cultive la lucidité, la conscience et la liberté, mesure-t-on par cet exemple le scandale que cet homme fût contraint à cette extrémité ? Quelle impuissance et quel abandon sont ceux de l’être humain s’il désire en finir !

On a pu noter que la pandémie actuelle avait remis la mort présente en tête de chacun, comme si elle avait dû en être absente ! Le présent rappelle donc de vieilles questions, comme le droit à l’euthanasie, un des derniers droits refusés aux français. Dans le pays des droits de l’homme on n’a toujours pas droit à une fin digne et sans douleur. Je le redis : la loi Leonetti, régulièrement revue pour calmer inquiétudes et aspirations de la grande majorité des gens, ne permet en effet qu’une mise en sédation profonde et prolongée.

Cette pratique relève de la politique de l’autruche. Car elle cache qu’elle fait tout simplement mourir de faim et de soif. De plus, c’est le corps médical qui décide l’acte et le moment, et non l’intéressé ! Je rappelle qu’il existe une possibilité : désigner par avance une « personne de confiance » et signer des « directives anticipées ». Mais le médecin peut s’y conformer… ou pas ! Soyons clairs, on n’a toujours pas le droit légal de décider et de régler sa propre mort. Ce tabou est un des plus violents de notre culture, les charges d’associations ultras-chrétiennes contre l’ADMD le confirment.

Que l’on est loin du banquet antique ou le philosophe boit de son propre chef un bouillon létal quand il juge devoir mettre lui-même fin à ses jours ! Après la mort de son père, Nicolas Bedos dénonçait la loi Leonetti qui exclut bien l’acharnement thérapeutique mais condamne pourtant l’euthanasie dite active. La mort n’est pas une question médicale mais humaine et particulièrement philosophique. «Quant à la prise en charge des patients en fin de vie, nos courageux soignants méritent une formation psychologique afin que ceux qui s’en vont emportent avec eux des souvenirs de douceur, de respect et rien d’autre ».

Un malade atteint d’une maladie dégénérative orpheline, Macron a décliné sa demande de bénéficier d’un sédatif pour mourir en arguant qu’il n’est pas «au-dessus des lois». Il nous appartient donc de demander à changer ces lois. Si le marteau-pilon médico-médiatique au temps du covid, laisse un peu de place à la réflexion et au libre arbitre…
Ce combat pour le droit à sa propre mort rappelle le long combat pour le droit à l’avortement qui aboutit en France quand Simone Weil fit voter l’assemblée. Passant devant une librairie, je me prends à songer à Paul et Laura Lafargue qui se suicidèrent ensemble. Il est des luttes d’opinion qui bousculent le poids de la tradition, comme la revendication de rendre justice et respect aux femmes. Mais quand les femmes pourront-elles être maîtresses jusqu’au bout ? Comment meurent-elles aujourd’hui, dans quelles conditions, sous autorité de qui, avec quel accompagnement de qui ? La réponse est souvent navrante… et tragique.

Je me souviens d’une personne qui m’informa du désarroi d’une connaissance en fin de vie. Celle-ci, n’avait pas même accès à un service de soins palliatifs. Je dus me contenter de l’adresser à l’ADMD* et, en totale impuissance, je me souviens de mon amertume. Pour tâcher de sourire, fuir l’idée de la mort me rappelle que fermer les yeux n’a jamais empêché de marcher dans une crotte de chien.

Mais le sourire se tarit si je me demande à quoi sert de fermer les yeux sur la mort. A l’angoisse de la fin, faut-il laisser s’ajouter la souffrance ? Et faut-il vraiment se cacher que le chemin a une fin pour savoir jouir du trajet ? Oublier le terme, c’est circuler ainsi que les « Voyageurs de l’impériale » sur une diligence dont Aragon conte dans le roman éponyme qu’ils ne voient pas la route, allant dans la vie en aveugles. Hélas, on ne voit guère ce que la cécité peut apporter au bonheur et à la dignité.

Non, vraiment, il n’est pas d’argument juste et humaniste en faveur du refus du droit de chacun à mourir dans la dignité. J’espère sincèrement que ce droit sera très bientôt reconnu. Je l’espère pour moi-même comme pour les autres.

*Association pour le droit à mourir dans la dignité.

Une année pandémique « normale » (RMP 10/01/2022).

Il paraît que les années se suivent et ne se ressemblent guère. 2021 a pourtant commencé comme avait fini 2020, soit à distance pour la radio. Grâce à notre omnipotent Michel Furios, j’ai, comme les autres chroniqueuses et chroniqueurs, enregistré dans mon bureau pour envoyer par fichier électronique. Ce à partir de quoi Michel montait une émission qui pouvait sembler réellement faite en studio, en n’omettant même pas les chœurs traditionnels depuis l’ami Michel Lafarge, le dernier donnant rendez-vous « pour de nouvelles aventures » !

Poursuivant la série de présentation de lieux emblématiques toulousains (inaugurée il y a plusieurs années… et suspendue seulement le temps du premier confinement), j’ai ainsi égrené au fil des deux premiers trimestres 2021, une série qui venait compléter celle enchaînée les années précédentes. Ce tableau d’une ville encore en état de commotion mais revivant progressivement déclina des vues de la ville, présentes et passées, dont une part se retrouvera dans un Guide du promeneur curieux à Toulouse (petits secrets et grandes histoires), que les éditions Sud-Ouest publieront ce printemps prochain ; ouvrage agrémenté de photos par Dominique Viet et aussi de dessins par le groupe d’un atelier d’amatrices. Je vous en reparlerai, si vous le voulez bien.

A partir de la rentrée d’automne, un peu attardée jusqu’au dernier lundi de septembre, j’ai repris mes interventions en studio, en compagnie de Maxime, Jean et Stéphanie et bien sûr de Michel à la cabine, tandis que Bernard envoie toujours ses chroniques enregistrées depuis Lyon. Mais les temps qui courent, agités et obscurs, poussent à réagir aux événements et aux idées. Pour varier les plaisirs et surtout pour mieux assumer le présent, j’ai décidé de colorer davantage mes interventions de réflexions « philosophiques », tant les sujets de réflexion me semblent s’imposer maintenant, en pleine crise générale.

C’est ainsi que j’ai pu traiter de :

Des monologues exposant des croyances, La raison source d’erreur ? (point d’interrogation), La promotion de croyances au rang d’évidences, Totalitarisme ou néolibéralisme ?, Monsieur Z et la « philosophie » de la peine de mort, Le climat : de la négligence à l’angoisse et La peste : de Camus à aujourd’hui.

J’ai également reçu les invités suivants : Pierre Juston : ADMD (à l’occasion de la journée du droit de mourir dans la dignité), Christian Saint-Paul : Académie des jeux floraux (à l’occasion d’une journée avec les collégiens) et Edouard Pivotsky : retraité CGT (à l’occasion de la manifestation nationale des retraités), lequel a également évoqué, à ma demande, les débuts de Radio Mon Pais.

De cette radio plus que quadragénaire, on ne connaît pas le nombre des auditeurs. Un sondage par un organisme professionnel coûte cher, ce sont les gros annonceurs des grands médias qui peuvent les commander régulièrement. Il est cependant prévu d’en commander un pour RMP au cours de la nouvelle année. Les résultats seraient fort intéressants car ils indiqueraient également les caractéristiques des auditeurs : sexe, âge, catégories sociales, etc.

Je crois savoir que quelques amis écoutent parfois cette radio et notamment EDVI (« Excusez-moi de vous interrompre »). Mais je suppose que nous ne tenons pas le haut du pavé dans la surabondance des médias. A plus forte raison, sachant l’engouement du siècle pour les échanges sur réseaux sociaux, nous devons être peu de choses dans l’arène de l’information et de la réflexion.

Pourtant, on aurait tort de ne pas valoriser RMP et cette émission. Un ancien correspondant local de l’Humanité me disait récemment : « Nous avons perdu la bataille idéologique ! » Une bataille n’est pas toute la guerre. Si les médias, propriétés du grand capital s’évertuent encore et toujours, c’est que les jeux ne sont jamais fait définitivement.

J’en ai fait personnellement l’expérience, s’il n’est pas introduit dans un réseau national, seules les petites radios accueillent le quidam : Radio Mon Pais, Radio Occitania, Canal sud, Radio Campus et Radio Présence, avec plus récemment Esprit Occitanie. Hors ces seuls canaux médiatiques à petits moyens mais grands ouverts à tout un chacun, on est pieds et poings, et surtout esprit lié aux grands médias, propriété des milliardaires et évidemment voix de leurs maîtres.

De bonnes raisons pour continuer à chroniquer et, je vous et nous le souhaite, pour continuer à nous écouter.

LA PESTE : de Camus à aujourd’hui (RMP 13/12/2021).

Publiée en 1947, La Peste d’Albert Camus, une des plus grosses ventes de littérature, évidemment remise en actualité par l’épidémie de Covid, rappelle qu’une maladie en cache souvent une autre. Celle de la peste à Oran avait déjà donné lieu à de multiples lectures. L’auteur écrivait à Roland Barthes : « elle a comme contenu évident la lutte de la résistance européenne contre le nazisme ».

Ce récit retrace l’histoire d’une épidémie de peste qui frappe la ville, la coupe du monde extérieur et agit comme révélateur de comportements très contrastés dans la population. Sont décrites les étapes de la montée d’un fléau qui s’abat sur une société prise au piège : incrédulité, confinement forcé, isolement, séparations, hôpitaux débordés, enterrements hâtifs…

Toutes choses qui font que ce roman résonne de manière singulière en nos temps de nouvelle vague de pandémie. Aussi, profitant de l’absence d’une chroniqueuse littéraire que l’on attend au studio comme l’Arlésienne, je m’arroge le droit – provisoire et prudent – de réfléchir à ce propos.

Une citation de Daniel Defoe est affichée en épigraphe du livre : « Il est aussi raisonnable de représenter une espèce d’emprisonnement par une autre…». Elle nous incline à penser qu’il y a dans ce livre de quoi réfléchir aux révélations et conséquences de tout fléau naturel qui cache souvent un désastre humain.

On sait qu’eurent lieu des épidémies de peste noire en Europe, entre autres à Toulouse où le tiers de la population fut aux quatorzième et quinzième siècles victime de la maladie rapidement mortelle. Le résultat (ou la correspondance) fut que la ville régressa au point que des faubourgs furent désertés et abandonnés tandis que le nombre de gens de métiers diminuait de moitié.

Pour le sourire, les remèdes peuvent sembler dérisoires. Des Diafoirus portant masque en bec d’oiseau assurèrent : « Le plus souverain remède c’est se retirer bien tost du lieu infecté, et s’en aller loing et revenir plus tard  ». Ainsi le Professeur Augier Ferrier qui enseigna à Toulouse (selon son biographe : mon ami Jean-François Gourdou). Et l’on assista encore dès 2020 à une migration inattendue de parisiens allant se réfugier en campagne, du moins de ceux qui en ont les moyens !

Or est intervenue une énorme différence avec le temps des quartiers d’isolement des malades : l’invention de vaccins qui ont éradiqué maintes maladies terribles de nos enfances, comme la poliomyélite ou la variole. Pourtant a lieu une résistance à l’usage des vaccins contre le covid, en méfiance, voire défiance envers des laboratoires privés et lucratifs spéculant sur la vente de produits, ainsi qu’envers les gouvernements qui les décrètent d’intérêt public. Et à mon sens, cette résistance révèle davantage.

J’ai déjà parlé d’une confusion entre la défiance envers le régime politique et envers des mesures de salubrité tout de même édictées par des hommes de l’art. On peut comprendre et à la fois critiquer cette confusion. Mais encore, les choses vont plus loin.

Si ce genre de résistance paradoxale peut s’observer, c’est que, ainsi qu’une réflexion métaphysique est provoquée par La Peste de Camus, c’est une profonde suspicion, un profond refus et une profonde angoisse qui furent déclenchés ou renforcés par la pandémie. S’ajoutant à l’angoisse d’une menace climatique contre laquelle il semble que l’on soit incapable de prendre des mesures, l’opposition actuelle à la vaccination révèle une situation personnellement et socialement traumatique.

Par-delà des réserves sur la sûreté, l’efficacité et l’opportunité des vaccins, c’est de bien plus qu’il s’agit lorsque l’on se condamne non seulement à l’isolement et à une résistance minoritaire, mais encore à une « fièvre obsidionale » (Larousse : psychose collective qui frapperait la population d’une ville assiégée). Pour ainsi se dresser hors société, hors civilisation et hors culture, il faut avoir une puissante raison.

Sans les approuver, on peut ainsi entendre la situation de « récalcitrants » arc-boutés dans une opposition à la fois violente et désespérée au monde capitaliste de Big brothers dit « libéraux ». Tentant de refuser le mode de vie actuel, ils peuvent sembler parfois inconscients. Ils affichent au contraire une conscience exacerbée.

Résurrection d’une ligue de vertu à Toulouse ? (billet RMP 06/12/2021).

C’est la question que pose La Libre pensée à Toulouse. Car on a déplacé une œuvre d’art exposée place Saint-Etienne. Il s’agit d’une sculpture des artistes espagnols Joan Coderch et Javier Malavia, intitulée « le Géant de sel » et représentant un danseur de Butô. C’est la nudité traditionnelle du danseur qui, semble-t-il, a pu choquer et provoquer le déplacement par les services de la mairie.

Or donc, voici aujourd’hui à Toulouse une nouvelle manifestation d’interdiction de représenter la nudité en art. L’histoire de l’humanité, du moins celle de l’Europe, fourmille d’actes de ce genre. On se souvient de l’affaire récente des tentatives de faire interdire l’exposition du tableau « L’Origine du monde » par Courbet. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’y a guère de progrès quand les statues grecques nues ont pas moins de 25 siècles !

Je me bornerai à une autre question : jusqu’où faudra-t-il bagarrer – à Toulouse comme ailleurs – pour tenter de résister au recul des actes et des idées ?

Le climat : de la négligence à l’angoisse. (RMP 29/11/2021 ) :

Il y a peu, mi-octobre, j’ai accompli une randonnée dans les Pyrénées en compagnie d’un ami. Il s’agissait de marcher dans les pas que nous avions accomplis soixante ans auparavant en montant au lac du Portillon, au-dessus de Luchon, à 2500 mètres d’altitude. Par un temps radieux dans un décor enchanté, gravissant les degrés d’une série de lacs s’étageant sous les pics du massif du Perdiguère (en occitan : habité par des perdrix), on pouvait croire monter au paradis.

Outre l’ivresse d’avoir pu, bientôt octogénaires, gravir les sentiers pour goûter la victoire sur la roche et la convivialité des refuges, je repense aux perdrix. La perdrix grise à tête rousse des Pyrénées est bien réputée vivre jusqu’aux hautes altitudes sur des landes et pelouses situées aux expositions chaudes. Nous n’en vîmes aucune en ce cirque exposé plein nord et uniquement rocailleux, côté français.

Montés aussi pour observer l’état du glacier du Seilh de la Baque, notre crainte fut, hélas, confirmée. Alors qu’il se jetait fin XIXe dans le lac et qu’il couvrait encore dans les années soixante une bonne part du cirque, ne reste plus que très peu de glace haut perchée au bas de la dernière muraille. Son appellation : Seilh de la Baque (passage de la vache), peut évoquer qu’il fut un temps où les troupeaux purent passer la frontière, une période chaude au début du deuxième millénaire. Elle rappelle aussi et surtout, hélas, le réchauffement actuel.

Cette montagne est sujette aux conséquences du réchauffement climatique, plus intense et surtout beaucoup plus rapide que les précédents. On sait combien les glaces fondent, mais on sait moins que se produisent d’autres modifications plus difficiles à observer. Ainsi la fonte du permafrost, la couche du sol glacée en permanence où restent stables les roches.

Plusieurs bites coniques jalonnent le rocher au-dessous du barrage du Portillon. Ce sont des témoins destinés à diagnostiquer l’état des roches afin d’éviter tout accident de barrage, représentant une menace pour la vallée au-dessous. L’existence de ces témoins ne rassure guère : s’ils sont implantés là, c’est bien qu’il y a un risque !

Et je veux penser aux risques climatiques en général, majeurs maintenant, on le sait, et menaçant sans que cela réveille vraiment une réaction. Oui, l’augmentation rapide de température, inéluctable parce que déjà en route, aura déjà de graves effets : canicules, tempêtes, manque d’eau, pollution, etc. Mais de plus existe le risque de laisser aggraver le phénomène. Or, au lieu de faire suivre les déclarations d’actes immédiats, s’en suit une confusion qui revient en gros à ne changer que quelques miettes en laissant le gâteau fondre et brûler à la fois.

Cette négligence me fait penser au philosophe Onfray, diversement apprécié, mais philosophe quand même, qui disait : « alors que nous avons au moins une certitude, celle de devoir mourir, nous nous conduisons exactement comme si nous l’ignorions ! » À quel degré d’inhumanité le régime actuel dit « libéral » (celui du renard libre dans le poulailler libre) nous conduit-il ? À voir les risques s’aggraver sans cesse et sans riposte, je me demande à quoi pense-t-on. Et même, si l’on pense vraiment.

Pour le sourire, je me souviens d’un entretien à la radio d’un chef d’entreprise du bassin parisien, lequel développait l’intérêt pour son industrie de puiser de l’eau pure dans la nappe profonde. Lorsque le journaliste lui demanda : – Vous avez des enfants ? – Oui, bien sûr ! – Cela ne vous pose pas problème qu’ils doivent vivre dans un monde où les réserves d’eau soient polluées ? Et l’industriel de rester sans voix pendant un long silence…

Bizarre histoire, tout de même, que celle où des humains engendrent et élèvent des enfants en les jetant sur une planète pourrie dans une humanité sauvage ! Pas étonnant que des jeunes déclarent actuellement ne pas vouloir faire d’enfants ! Car la lucidité conduit vite à l’angoisse. Si une partie de la jeunesse ne veut plus procréer, cela relève d’une décision éthique ou philosophique. Alors, le sourire est bien loin ! Car cela signale une terrible crise de culture et de civilisation.

La psychiatre Célie Massini confirme que la préoccupation écologique est source de stress. Mais, ajoute-t-elle, « même en devenant les parfaits citoyens de l’environnement, on n’agira que sur 20 à 25 °/° des émissions à effet de serre. La souffrance climatique n’est pas individuelle, elles est politique. »

Monsieur Z et la « philosophie » de la peine de mort. (RMP 08/11/2021)

Le polémiste Zemmour bénéficie de supports de la part de grands médias. Et aussi d’une compréhension, pour ne pas dire complicité, de la part de certains décideurs. Ainsi peut-il décliner sur les ondes des lieux communs aux relents de bas, voire sordides étages. Entre autres, il se déclare :« philosophiquement pour la peine de mort ».

On se souvient que c’est sous la nouvelle présidence de Mitterrand, dans le mouvement généreux et optimiste de 81, que le ministre de la Justice Badinter fit voter l’abolition. « Demain, grâce à vous la justice française ne sera plus une justice qui tue » a-t-il conclu. C’est connu, la mesure fut votée par l’assemblée alors qu’une forte majorité du public restait partisane de cette peine ancestrale. Et l’on pourrait aujourd’hui s’ébaudir que l’archaïque loi du Talion soit élevée au rang de pensée philosophique par un prétendu champion du sens commun.

Or c’est dans le discours de Badinter lui-même que l’on trouve l’argumentation la plus concluante en faveur de cette abolition. Il faut le relire pour suivre la déclinaison des moments historiques et raisons pratiques acheminant vers l’abolition. Pour revoir bien des plus grands politiques français invoqués : Hugo, Clémenceau, Gambetta, Camus, Jaurès… Ce dernier est d’ailleurs cité : «La peine de mort est contraire à ce que l’humanité depuis deux mille ans a pensé de plus haut et rêve de plus noble. Elle est contraire à la fois à l’esprit du christianisme et à l’esprit de la Révolution.» On connaît aussi le formidable plaidoyer pour l’humanité par Victor Hugo qui émut la chambre sans convaincre encore sa majorité. On connaît moins la position de Sade (oui, Sade en personne) qui s’opposait à cette peine ainsi qu’à d’autres actes prétendus moraux. Bref, tout ce qu’il y a de plus généreux, de plus raisonnable, de plus réaliste, de plus intelligent en France, conduisit à l’abolition passée.

Or, voici qu’un petit monsieur, dont le mérite essentiel est d’être adoubé par des propriétaires de médias, s’arroge le droit de contester cette avancée de l’humanisme et de la civilisation. Qu’est-ce qui fait donc que ses assertions à l’emporte-pièce, souvent du niveau de discussion de comptoir, voire de caniveau, soient reçues et propagées comme respectables ? Sans doute, la liberté d’opinion est justement garantie en droits de l’homme. Mais lorsque la diffusion d’une opinion relève de l’irrespect et incite à la haine, il faut voir…

Mais replaçons nous au niveau de la réflexion. La question de la mort est majeure en philosophie : « Philosopher, c’est apprendre à mourir », écrivit Montaigne. Il est de fait que cette question, même si l’on affecte souvent de l’ignorer, hante notre inconscient. Si bien que les religions inventent à qui mieux mieux une immortalité. C’est pourquoi la philosophie raisonne souvent à ce sujet. Ainsi, le syllogisme type décline une relation logique : « Tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme, donc Socrate est mortel. »

Pour le sourire, lorsque j’étais professeur dans une vie antérieure, je faisais remarquer aux élèves que l’on pouvait raisonner faux dans ce que l’on appelle un sophisme, en souvenir des sophistes qui faisaient profession de démontrer n’importe quoi : « Tout ce qui est rare est cher, or un cheval bon marché est rare, donc un cheval bon marché est cher ! » L’erreur réside ici dans le tour de passe-passe de concepts qui ne recouvrent pas les mêmes contenus…

Revenons en aux partisans de la peine de mort. Ils ne s’appuient même pas sur un raisonnement, seulement sur une opinion, celle selon quoi cette peine serait dissuasive et morale. J’ai déjà dit ce que vaut une opinion en tant que telle, soit pas grand-chose, ne reposant sur aucune preuve ni démonstration. Or les criminologues constatent qu’il n’y a pas corrélation entre la menace de cette peine et une baisse de criminalité.

Revenons-en à la morale. Qu’est-ce qui peut justifier que je m’arroge le droit de disposer de la vie d’autrui ? Et – alors que cette vie est un bien précieux, fragile et daté – qu’est-ce qui peut justifier que je m’arroge le droit de priver mon prochain de cette vie ? La réponse de Camus est : la crise de l’Homme. C’est une profonde crise de civilisation que confirmerait un retour à la peine de mort dans nos sociétés modernes.

Ajoutons que – et c’est lui faire bien de l’honneur – Monsieur Z le confirme : en temps de crise, tout est possible, même d’élever une sottise au rang de sentence.

Totalitarisme ou néolibéralisme ? (RMP 18/10/2021)

Dans une contribution à L’Humanité, Christian de Montlibert, sociologue et professeur émérite de l’université de Strasbourg assure ; « la gestion de la crise sanitaire est avant tout l’expression quasi parfaite d’une orientation néolibérale », tout en assurant aussi que ce n’est pas une visée « totalitaire » qui guide les décisions du président.

Voici encore de quoi réfléchir. Bien des critiques du régime prennent les actes publics et les décisions politiques pour tendance au fascisme. Certes, les répressions se musclent et présentent le spectacle d’un pouvoir dur matraquant toute protestation. Et l’on pourrait énumérer les atteintes à la démocratie, comme la limitation de la liberté constitutionnelle de circuler, mise en application à chaque confinement. Et l’on peut craindre une glissade vers un monde orwellien ou le chef s’immisce dans l’intimité de chacun. Nombre de faits livrent les gens aux entreprises privées comme clients et aussi comme clients possibles à livrer à d’autres.

L’obligation de la vaccination généralisée pour les personnels de santé attente évidemment à leur liberté. Une partie de ces personnels se sentent profondément lésés, d’autant que certains se réclament de « médecines douces » préférant soigner et, dans le doute, privilégiant un principe de précaution. Ces personnes qui ont choisi d’accomplir les plus longues études pour être capables de soigner, se trouvent meurtries d’avoir à risquer de fauter par incertitude ou par obligation. « Primo non nocere » (d’abord ne pas nuire), invoquent-ils.

Mais notons bien que le pouvoir ne décrète pas obligatoire pour tous la vaccination anticovid, alors que d’autres vaccinations sont obligatoires. En fait, bien que la propagande soit appuyée, c’est plutôt à une sorte de destin d’apparence désordonnée, que nous sommes livrés face à la maladie. Mais que cela cache-t-il ?

À la vérité, si des pensées d’extrême droite peuvent traîner dans les ruelles du pouvoir, elles sont supplantées par des thèses retorses découlant parfois de « philosophies du sujet », attribuées à Paul Ricoeur ou Michel Foucault. Ainsi, dans une démesure du Moi, les individus les plus valeureux « tireraient » l’ensemble de la société. Il y a quelque chose d’existentialiste, peut-être de Camusien, dans cette conception individualiste. Mais la différence est que, loin d’être une vision critique, résistante et voire combative, elle relève d’un crédit envers un néolibéralisme qui permettrait le bonheur de tous.

Qui n’a pas un jour cédé aux chant des sirènes promettant la réalisation harmonieuse de soi et d’autres grâce au progrès technique, à l’abondance et à la liberté, en y ajoutant un zeste de maîtrise personnelle ? Le problème est que, depuis la fin de guerres coloniales, le règne des ordinateurs portables et des iphones, le droit à la contraception et l’avortement, le mariage pour tous, etc., non seulement le bonheur est différé pour beaucoup, mais encore l’inégalité s’accroît entre les personnes.

Pour le sourire, on a soudain entendu, en plein confinement, des ministres parler de renationalisation de certains secteurs, paroles qui avaient un parfum de Libération d’après-guerre. Mais ce n’était qu’un moment d’égarement, ou bien quelque réalisme tentant temporairement de juguler le marasme économique. En réalité, covid ou pas, crise ou pas, le pouvoir avance à pas comptés vers son but : remplacer les services publics par des marchés aux financements et aux décisions – privés.

C’est ce principe qui gouverne la diminution du nombre de lits dans les hôpitaux, quitte à nous précipiter dans un cercle vicieux et vertigineux : la crise des hôpitaux cause la crise sanitaire et vice-versa, ainsi de suite… On comprend alors que certains soignants, fatigués et écœurés, veuillent rejeter le bébé avec l’eau sale et se tourner vers des théories et pratiques différentes comme la médecine chinoise et bien d’autres.

En fait, par-delà des manifestations racistes et belliqueuses endémiques voire attisées, le néolibéralisme avance masqué sous l’apparence égalitaire de la méritocratie, cachant la réalité d’un pouvoir qui nous conduit en fonction de « penseurs néolibéraux » et avec l’aide active des grands médias.

Dans la revue Regards, Ludivine Bantigny assure : « La question des médias qui grignotent un empire considérable, notamment avec la figure de Vincent Bolloré qui favorise la zemmourisation des esprits, est extrêmement inquiétante. »

Qui aurait la candeur d’en douter ?

La promotion de croyances au rang d’évidences (RMP 11/10/2021).

Dans un entretien publié dans L’Humanité, le philosophe Jean-Paul Jouary déclare : « L’un des cancers de notre époque est la promotion de pures croyances au rang d’évidences. »

Selon Larousse : « est évident ce qui est immédiatement perçu comme vrai ». Que se passe-t-il, au pays de Descartes où depuis des siècles, nous tâchons d’éviter l’évidence en cherchant la preuve ? Voici que se télescopent des foules de nouvelles qui se succèdent ou se contredisent. De la diffusion de ces données sans retenue ni contrôle, sont avant tout responsables les médias et autres réseaux sociaux. Avec bien sûr la responsabilité ou la complicité des récepteurs et des scripteurs eux-mêmes, ceux qui lisent tout complaisamment et à plus forte raison ceux qui rédigent ou transfèrent fausses nouvelles ou prétendues vérités.

Feu la règle qui prévalait en journalisme, de vérifier ou du moins croiser les informations. Elle est remplacée par la « nécessité » (entre guillemets) de publier parmi les premiers, ce afin de captiver la clientèle au profit des annonceurs. Souvenons-nous de qui avouait tranquillement livrer aux vendeurs, du temps de cerveaux disponibles !

Évaporée aussi la retenue qui faisait différer une déclaration avant de se décider à l’énoncer. « Tourner sept fois sa langue dans sa poche » était un dicton populaire. Il est remplacé par une pratique contraire : écrire et réécrire, parler et rétorquer plus vite que son ombre… sans oublier les images, les photos exposant soi-même, jusqu’à l’intimité, comme si cela ne représentait aucun risque, plus, comme si cela était un besoin !

Ainsi est-on, paraît-il, décomplexé. Et l’on n’hésite pas à afficher et transmettre n’importe quoi, quitte à tomber sous le coup de la loi. Voir l’inénarrable Zemmour… Quand se diluent les critères de vérité et quand disparaissent les principes moraux, même s’ils étaient à revoir, reste un grand désarroi, il s’agit d’une crise, non seulement une crise morale, mais encore une crise globale.

Qu’est-ce qui explique cette addiction à une expression sans limite ni règles ? Est-ce la tendance prométhéenne à se dépasser, à outrepasser les barrières ? Depuis l’Antiquité grecque au moins, la démesure (l’ubris), l’outrance dans les propos ou les actes risque de provoquer gravement les dieux (entendons aujourd’hui le destin).

Ce qui est risqué, voire dangereux, c’est que dans les déluges expressifs, l’on ne se réfère à aucun fondement, ni scientifique ni logique, mais que l’on diffuse une opinion qui ne s’appuie bien souvent même pas sur une conviction, seulement sur une évidence. Évidence que les risques de la pandémie, évidence que l’incertitude sur les vaccins, évidence que la gravité de la situation, etc.

Pour le sourire, on sait depuis longtemps que les apparences peuvent être trompeuses, cela fait même l’objet de dictons dans le genre : « Il ne faut pas juger quelqu’un sur la mine. » Or, les candidats politiques s’ingénient au contraire à se donner une apparence qui les fera bien voir de l’électorat. Aussi, non seulement la vie privée de Macron fut revue et récitée, mais encore ses costumes furent retaillés pour sa candidature !

En philosophie, il convient justement (et au contraire) d’opposer à l’évidence, à l’opinion courante, à ce qui est admis sans critique ni réflexion, une volonté de passer la chose au crible du doute. C’est en soumettant au doute une opinion que, pour tâcher de dégager la vérité de l’erreur, je cherche à la confirmer ou à l’infirmer.

En France, qui jouit encore du privilège de la philosophie en classe terminale, nous nous souvenons que Descartes décide de douter de tout pour en venir au cogito. En faisant table rase, la seule certitude initiale qu’il trouve, c’est : « Je pense, donc je suis ». Non pas dans un acte de croyance, mais au terme d’une opération réflexive et logique, dépassable peut-être, mais voulant être rigoureuse.

Sans doute, le rationalisme cartésien ne suffit pas à tout comprendre et tout exprimer. L’humain n’est pas une machine avec roues dentées et poulies. Mais en ces temps d’incertitude, retrouver la méthode pour tenter d’éviter les chausse-trappes, c’est utile et c’est bon. Alors, lisez le dernier livre de Jean-Paul Jouary : « Vivre et penser dans l’incertitude » aux éditions Flammarion !

 

La raison, « source d’erreur » selon un ami ? (RMP 04/10/2021)

Je veux aujourd’hui parler d’un message adressé par un ami. Extrait de je ne sais quel réseau social, ce développement se dressait contre (je cite) : « la raison, source d’erreur et de tromperie », ce au motif paradoxal que la raison empêcherait une pensée d’être clairvoyante à l’heure actuelle… Or qu’est-ce que la raison ?

Si l’on veut bien revenir aux sciences, la raison d’un phénomène est sa proportion ou son principe explicatif. C’est ainsi que Taine indique « il y a une raison, un « parce que », un intermédiaire qui explique, démontre et nécessite » la liaison entre deux données. De ce point de vue, la raison est dans les choses comme le noyau est dans le fruit.

Si l’on se reporte au Larousse, il propose pas moins de quatre définitions successives, depuis la faculté de juger jusqu’à ce qui justifie un acte, en passant par les principes de bien agir et les facultés intellectuelles normales… Remarquons alors qu’en ces divers sens, la raison c’est toujours le convenu, soit l’idéologiquement correct ! Si c’est cette « raison » là qui est suspectée, celle qui, admise, n’est pas à remettre en cause, celle qui fait barrage au doute et à la recherche, alors on peut partager le soupçon. Pourtant, c’est encore autre chose qui est en cause.

Le message de l’ami ressemble à bien d’autres du même genre dans l’avalanche d’envois par internet. J’avoue que, après avoir tenté de lire et de comprendre de nombreux messages, je me suis lassé devant ces tirs croisés en tous sens. Et je me suis remis à réfléchir.

Sans doute, les médias passent le temps à diffuser des « raisonnements », lesquels visent à formater les idées, soit les plier au service de qui détient les rennes du média, à savoir le grand patronat ou le gouvernement. Au sujet de la pandémie, ces médias ont mené des discours de campagnes successivement contradictoires afin de justifier des mesures publiques changeantes, voire perverses : d’abord contre les masques et ensuite pour, puis pour le confinement et ensuite contre. Nous avons d’abord marché, puis pas mal d’entre nous avons décelé la manœuvre.

C’est ainsi, que s’explique une grande et générale défiance de la part du grand nombre. ON (indéfini) transpose la défiance envers la politique en une défiance envers la politique sanitaire. Notamment, on tourne cette défiance contre les vaccins, au motif qu’ils font la fortune de « big pharma », qu’ils sont issus de peu de temps de mise au point, que la science n’en est pas à une erreur près, et encore que c’est l’évolution du monde (et de la médecine) qu’il faut changer…

Tout ceci est bien vrai. Et pourtant, est-ce une « raison » (entre guillemets) pour négliger un produit passé tout de même par des processus de contrôle, est-ce une raison pour ne pas tenter un moyen possible de juguler une pandémie qui s’accompagne d’une crise terrible où les plus faibles sont sans défense ? N’y a-t-il pas là une défiance et un pessimisme démesurés ? Et n’y a-t-il pas quelque négation, quelque fuite existentielles, elles aussi démesurées ? Et enfin, qu’est-ce qui relève d’une méfiance envers une forme de raisonnement et qu’est-ce qui relève du refus spontané et irraisonné tourné un peu envers et contre tout ?

Pour le sourire, je me souviens de Galilée qui, défendant sa nouvelle conception du monde, invitait les docteurs scolastiques à observer la lune dans la lunette d’astronomie. Ceux-ci refusaient afin que… cela ne leur obscurcît l’entendement ! Ainsi, ils évitaient de remettre en cause la conception dominante où la terre était vue comme le centre du monde, idée soutenue violemment alors par l’église catholique romaine.

Quatre siècles après, a-t-on oublié que Galilée fut contraint d’abjurer sa théorie, sous la menace d’une condamnation à être torturé et brûlé comme le fut Giordano Bruno et comme le serait bientôt Cesare Vanini, exécuté place du Salin à Toulouse ? « Et pourtant, elle tourne ! » aurait alors confié Galilée. Sa conception où la terre n’est pas le centre du monde, fondée sur un usage de la raison, confirmé par la pratique, serait amplement vérifiée par la suite, jusqu’à ce qu’Einstein l’élargît par sa théorie de la relativité.

Dans La vie de Galilée, le dramaturge Brecht lui fait conclure : « Si j’avais résisté, les physiciens auraient pu développer quelque chose comme le serment d’Hippocrate des médecins, la promesse d’utiliser leur science uniquement pour le bien de l’humanité. »

Où l’on voit que l’ami Brecht, lui aussi, est toujours d’actualité.

Des monologues exposant des croyances :

Axel Kahn écrivait dans son dernier livre publié peu avant sa mort :  » sans usage de la raison, toutes les positions sont des croyances et leur exposition se limite à une série de monologues… ». Récemment décédé, ce médecin essayiste fut un grand scientifique s’illustrant par ses prises de position publiques et ses rôles, notamment au comité consultatif national d’éthique.

Quoi que l’on pense de toutes ses positions, dans la tourmente actuelle de la pandémie, la crise et ce qui s’en suit, ce médecin savait combien il en coûte de se trouver face aux affirmations de tout et de son contraire, tandis que le torchon brûle et que l’on peut brûler avec. Ma fille aînée est médecin… je dirais « critique » et je mesure travers elle, non seulement la difficulté d’être soignant aujourd’hui, mais encore le tragique du présent partagé.

Se pose la question, pour le soignant en premier lieu : quelle confiance avoir en les opinions, en les discours qui affirment tantôt blanc et tantôt noir, réalité de la menace pandémique ou pas, utilité de la vaccination ou pas, existence de médicaments utiles ou pas…

Et l’on voit affluer les citations de chiffres en foules de statistiques, les invocations d’exemples inquiétants en citations et nombreux discours, l’accumulation d’imprécations en messages provoquants, et aussi des exposés de maintes et maintes doctrines en dissertations développées.

Il est très inconfortable, voire insupportable, de ne pas disposer d’assise idéologique sûre à sa pratique. La nature – et aussi l’esprit humain – ayant horreur du vide, on recherche une pensée propre à porter quelque certitude du bien fondé d’une action. Pour justifier une médecine douce, face à celle qui opère à tour de bras et qui bourre de médicaments au grand profit des grands laboratoires, on va chercher ailleurs, de préférence en Orient, une éthique différente pouvant autoriser une attitude différente.

Certes, il peut être bon de chercher à combler quelque manque de pensée et de pratiques européennes. Mais en fait, les arguments se contredisant les uns les autres en foule, les monologues expriment seulement des convictions et non des démonstrations. On oublie que c’est justement contre les croyances, contre les évidences, contre la simple foi, qu’est née chez les Grecs antiques la réflexion à l’origine des sciences et de la philosophie.

Reconnaître cet avènement majeur de civilisation, n’est pas faire de l’ethnocentrisme, c’est rendre à César, ou plutôt à Socrate, ce qui lui est dû. Certes, on doit plutôt certaines connaissances scientifiques au Moyen-orient, la poésie à la Méditerranée et à l’Occitanie, la dialectique et la politique à l’Europe et l’empirisme aux anglo-saxons. Certes, on peut avoir besoin et profit de la maîtrise de soi et du respect de la nature orientaux. Certes, on peut vouloir récupérer le savoir et le pouvoir des griots, des chamanes ou des coupeurs de feu des cultures populaires d’Afrique, d’Amérique et même de nos campagnes, à commencer par retrouver le bon usage des plantes.

Mais la philosophie, la pensée fondamentale, celle qui doit permettre de sortir des monologues assurant tout et son contraire, celle qui cherche des critères pour démonter les erreurs, celle qui croit en un Progrès possible (même s’il n’est pas fatal), progrès matériel des sciences et des techniques, mais surtout progrès de l’esprit pour l’amélioration de la vie des hommes, souvent encore si dure, celle-là est : la philosophie comme usage de la raison afin de sortir de la croyance.

Pour le sourire : je me souviens d’une légende amérindienne qui contait comment le Grand manitou créa les hommes. Il prit de la glaise pour façonner plusieurs statuettes qu’il mit à cuire au four. La première qu’il sortit du four n’était pas assez cuite : ce fut le blanc. La dernière, trop cuite, fut le noir. Et celle du milieu, cuite à point, montrant une splendide couleur, ce fut le Peau rouge !

Marx assurait en substance que ce n’est pas Dieu qui a créé l’homme à son image mais au contraire l’homme qui a imaginé dieu selon lui-même. Et il ajoutait que « La religion est l’opium du peuple », une sorte de drogue qui fait supporter l’exploitation et empêche la conscience cette exploitation.

Comme quoi, mais cela tombe actuellement dans une amnésie collective, le bonhomme Marx, son diagnostic et ses utopies humanistes, restent toujours d’actualité…

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