Mercredi 19 mai, c’est le printemps des salles culturelles publiques, entre autres des cinémas. Car vont rouvrir les salles du centre, celles du Gaumont place Wilson, reste des nombreux cinémas ayant jalonné autrefois le quartier, ainsi que l’a évoqué Jean Tutenges il y a quelques semaines.

Enfin, on va pourvoir à nouveau faire une queue pour obtenir des places ! A moins que devienne obligatoire la location par internet, ce qui, convenons-en, serait tout de même moins ubuesque que se presser dans une file à touche-touche. On se doute, bien que le détail n’en soit pas connu, que les règles d’hygiène édictées l’an dernier seront grosso modo reconduites, à savoir notamment le port du masque dans le hall et une distance minimale entre les spectateurs dans la salle.

Donc, en route bientôt vers les cinémas. Enfin, ce qu’il en reste ! Car si l’on ne veut pas faire le catalogue de toutes les salles fermées depuis la guerre, force est de noter que sont disparues récemment les salles de l’ancien UGC qui se situaient à quelques pas de là vers Jean-Jaurès, derrière une façade de style Art déco dont j’ai déjà parlé. Pour cet immeuble à la destination pour lors imprécise seraient ourdis divers plans dont celui d’une exposition de produits de luxe. La rumeur assure qu’un groupe et le chef Michel Sarran (bien connu à Toulouse où il patronne plusieurs établissements) nourrissent un projet de restaurant sur les deux derniers étages. Alléchante idée ! Mais l’édifice ayant longtemps abrité des salles du 7e art très fréquentées, on peut cependant espérer que ne sera pas effacé ce souvenir et donc que subsisteront des activités culturelles vitales au centre de la cité.

En ces temps de bouleversements on peut aussi espérer que ne sera pas oubliée une histoire attachée au lieu, souvenir de jeunes qui – difficile d’user de mots non ronflants – jouèrent ici leur vie contre le racisme et le fascisme et pour la liberté. Elle est contée sur un pan de mur à l’extrême droite de l’entrée, par une petite stèle évoquant l’attentat à la sortie de la projection d’un film de propagande antisémite nazi : « Le Juif Süss », commis par un groupe de jeunes résistants.

Il faut penser aussi, bien sûr, aux salles d’Art et Essai qui animent la vie artistique et intellectuelle toulousaine non loin de là, du moins hors temps d’épidémie ; celles de l’Américan cosmograph rue Montardy, celles de l’ABC rue Saint-Georges et celles de la cinémathèque rue du Taur. Pour la cité de la plus grande université après Paris, gageons que les retrouvailles avec le cinéma d’auteur sont très attendues et seront vraiment honorées. Espérons-le pour la rue Montardy, dans la tradition des anciennes salles de l’Utopia qui, d’abord sous d’autres appellations, projetèrent durant des décennies. Espérons-le aussi bien pour le triangle du 7è art à Toulouse, constitué depuis longtemps autour de Saint-Sernin par l’ABC, la cinémathèque et l’ENSAV (école nationale supérieure d’audiovisuel).

Pour le sourire, à quelques pas des Gaumont de la place Wilson se trouve le café « Cosmopolitain » (1 rue des Trois Journées ) qui serait bien connu de noctambules toulousains, du moins lorsque le couvre-feu ne baisse pas les rideaux des cafés. Petite vitrine à grande histoire ! L’épopée de cette petite salle est évoquée par Jean-Paul Dubois dans son roman : Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, prix Goncourt 2019. Sous cet auvent en dent de scie était le cinéma « Zig-Zag » où sa mère projetait des films d’auteur. Je me souviens y avoir visionné J’irai cracher sur vos tombes, réalisé par Michel Gast en 1959 et adapté du roman de Boris Vian, publié sous le pseudonyme de Vernon Sullivan. L’histoire veut que Vian est décédé à Paris, suite à la projection de la première du film. Des années après, cette salle devint un cinéma « porno » (rien à voir avec Pornon puisque mon patronyme vient du celte en Bourgogne tandis que « pornographie » est issu du grec ancien).

Reste à noter que vont aussi rouvrir les musées, les monuments et les théâtres, ce qui était pour le moins très attendu et très revendiqué, non seulement par les travailleurs de la culture mais encore par les français moyens qui verraient mal de devoir se contenter longtemps des petits écrans, télévision et plateformes.

Car enfin, comme a dit un jour Jean-Luc Godard : « Quand on va au cinéma, on lève la tête. Quand on regarde la télévision, on la baisse. »