Dans une contribution à L’Humanité, Christian de Montlibert, sociologue et professeur émérite de l’université de Strasbourg assure ; « la gestion de la crise sanitaire est avant tout l’expression quasi parfaite d’une orientation néolibérale », tout en assurant aussi que ce n’est pas une visée « totalitaire » qui guide les décisions du président.

Voici encore de quoi réfléchir. Bien des critiques du régime prennent les actes publics et les décisions politiques pour tendance au fascisme. Certes, les répressions se musclent et présentent le spectacle d’un pouvoir dur matraquant toute protestation. Et l’on pourrait énumérer les atteintes à la démocratie, comme la limitation de la liberté constitutionnelle de circuler, mise en application à chaque confinement. Et l’on peut craindre une glissade vers un monde orwellien ou le chef s’immisce dans l’intimité de chacun. Nombre de faits livrent les gens aux entreprises privées comme clients et aussi comme clients possibles à livrer à d’autres.

L’obligation de la vaccination généralisée pour les personnels de santé attente évidemment à leur liberté. Une partie de ces personnels se sentent profondément lésés, d’autant que certains se réclament de « médecines douces » préférant soigner et, dans le doute, privilégiant un principe de précaution. Ces personnes qui ont choisi d’accomplir les plus longues études pour être capables de soigner, se trouvent meurtries d’avoir à risquer de fauter par incertitude ou par obligation. « Primo non nocere » (d’abord ne pas nuire), invoquent-ils.

Mais notons bien que le pouvoir ne décrète pas obligatoire pour tous la vaccination anticovid, alors que d’autres vaccinations sont obligatoires. En fait, bien que la propagande soit appuyée, c’est plutôt à une sorte de destin d’apparence désordonnée, que nous sommes livrés face à la maladie. Mais que cela cache-t-il ?

À la vérité, si des pensées d’extrême droite peuvent traîner dans les ruelles du pouvoir, elles sont supplantées par des thèses retorses découlant parfois de « philosophies du sujet », attribuées à Paul Ricoeur ou Michel Foucault. Ainsi, dans une démesure du Moi, les individus les plus valeureux « tireraient » l’ensemble de la société. Il y a quelque chose d’existentialiste, peut-être de Camusien, dans cette conception individualiste. Mais la différence est que, loin d’être une vision critique, résistante et voire combative, elle relève d’un crédit envers un néolibéralisme qui permettrait le bonheur de tous.

Qui n’a pas un jour cédé aux chant des sirènes promettant la réalisation harmonieuse de soi et d’autres grâce au progrès technique, à l’abondance et à la liberté, en y ajoutant un zeste de maîtrise personnelle ? Le problème est que, depuis la fin de guerres coloniales, le règne des ordinateurs portables et des iphones, le droit à la contraception et l’avortement, le mariage pour tous, etc., non seulement le bonheur est différé pour beaucoup, mais encore l’inégalité s’accroît entre les personnes.

Pour le sourire, on a soudain entendu, en plein confinement, des ministres parler de renationalisation de certains secteurs, paroles qui avaient un parfum de Libération d’après-guerre. Mais ce n’était qu’un moment d’égarement, ou bien quelque réalisme tentant temporairement de juguler le marasme économique. En réalité, covid ou pas, crise ou pas, le pouvoir avance à pas comptés vers son but : remplacer les services publics par des marchés aux financements et aux décisions – privés.

C’est ce principe qui gouverne la diminution du nombre de lits dans les hôpitaux, quitte à nous précipiter dans un cercle vicieux et vertigineux : la crise des hôpitaux cause la crise sanitaire et vice-versa, ainsi de suite… On comprend alors que certains soignants, fatigués et écœurés, veuillent rejeter le bébé avec l’eau sale et se tourner vers des théories et pratiques différentes comme la médecine chinoise et bien d’autres.

En fait, par-delà des manifestations racistes et belliqueuses endémiques voire attisées, le néolibéralisme avance masqué sous l’apparence égalitaire de la méritocratie, cachant la réalité d’un pouvoir qui nous conduit en fonction de « penseurs néolibéraux » et avec l’aide active des grands médias.

Dans la revue Regards, Ludivine Bantigny assure : « La question des médias qui grignotent un empire considérable, notamment avec la figure de Vincent Bolloré qui favorise la zemmourisation des esprits, est extrêmement inquiétante. »

Qui aurait la candeur d’en douter ?