Ecrivain

Catégorie : Coups de coeur et lectures (Page 17 of 18)

BIBERFELD Laurence, Qu’ils s’en aillent tous !, éd. Baleine.

J’ai entamé cet ouvrage, avec sympathie pour son auteur et curiosité pour cette collection. Mon intérêt fut soutenu tout au long de ses 377 pages ! Pas tellement par un suspense que je prends ici comme prétexte. Pas plus pour l’évocation de viols d’enfants, étant peu friand de ce genre d’épice. Un peu plus pour le refrain récurrent d’un anarchisme aimable, daté mais aussi intemporel… Cette histoire de grèves déclenchées et gérées à la base est peut-être plus visionnaire que surannée. Un officier de marine « suicidé », deux détectives privés voient leur enquête croiser aussi un groupe d’enfants ayant fui les turpitudes sexuelles auxquelles ils étaient soumis. Pourquoi situer ces sévices à Alger ? Pour ce lieu commun que la ville blanche symboliserait aujourd’hui l’enfer ? Quoi qu’il en soit, les deux drôles de protagonistes détectives nous valent aussi des saynètes de théâtre, situant le livre hors les formats obligés. J’ai vraiment aimé la peinture d’un monde des ports et des marins en lutte.

Les images fortes consacrent une artiste du verbe : « […] la sirène d’un bateau se fit entendre avec la mélancolie d’un butor sur les marais […] ». Ici est la langue, nous sommes chez un auteur vrai. Avec de nombreux termes, inconnus de moi jusqu’alors comme « un vraquier » (transporteur de vrac : minerai, etc.), à enrichir le vocabulaire. Surtout, c’est dans une alchimie personnelle du verbe que l’on trouve l’écrivaine : « les éternuements de l’eau », « la bave verdâtre ou cuivrée d’algues », « les poissons traçaient des parenthèses lumineuses au ras de l’eau ». La sensibilité féminine, même rude en peignant un monde sans pitié, ne secours pas les victimes mais les tire au moins des bas fonds anonymes. Et puis, elle laisse parfois échapper une note tendre, en tout cas fine : «  La première fois [qu’il vola en parapente] il eut l’impression que son esprit se dépliait, se décollait et gonflait brusquement, comme les poumons des nouveaux-nés à leur première inspiration. » Un beau bouquin.

BENEDETTO André, Urgent crier, Le Temps des Cerises.

L’auteur et homme de théâtre est connu pour avoir fondé le théâtre des Carmes et initié le Off en Avignon. Je l’avais, pour ma part, ponctuellement côtoyé dans une remontée en camionnette sur la Fête de l’Huma il allait jouer. Avec son incomparable attitude de chevalier au verbe étincelant en scène et de penseur taciturne en privé. Son discours, teinté d’une touche méridionale, fait de conviction et de lyrisme, collait à merveille avec son écriture. J’ai tant aimé entre autres ses « couilles » aux côtés des viticulteurs dans Ballade à Montredon ! Le Temps des Cerises a eu la bonne idée de rééditer Urgent crier et Les poubelles du vent dans ce volume de plus de 300 pages sur un joli papier, avec photo initiale de l’auteur. Pour savoir qu’un tel écrivain célébra à la fois Bessie Smith, les beatniks, Che Guevara et Maïakovski, brocarda parfois le festival d’Avignon et chanta mai 68 dans : « L’imagination n’a pas pris le pouvoir mais on est content quand même. »

(Note en bas de page : « Phrase tracée à la peinture bleue en juillet 68  dans la cour intérieure d’un caravansérail »). Il y aurait grand dommage à oublier que la poésie fut aussi revendicative et épique en même temps que lyrique chez nous, vers 68 notamment grâce à  Benedetto : « Écoutez prenez une plage / Étendez-vous au soleil sur le sable / C’est plein de vide autour de vous / Il y a le vide de l’espace / Et ces étoiles qui nous narguent / Et il y a le vide des rues  / Devant tous ceux / qui ont besoin […] ».  Grand dommage surtout à ne pas garder mémoire d’un tel poète : « C’est déjà d’un autre / que je parle / de celui qui portait un nom / que vous avez connu peut-être […] »

BÉLANGER Paul, Répit, poèmes, Editions du Noroît.

Je connus Paul et sa bonhomie au festival « Parole ambulante » où le pianiste Alain Bréheret et moi nous participions à Lyon ainsi qu’une brochette d’auteurs (Kenneth White, Marie Bélisle, Fabienne Swiatly, Alessandro Perisinotto…). Il venait du Québec où il est le plus important éditeur de poésie. J’ai découvert un poète, un de ceux qui ne chantent pas pour passer le temps. Ses textes m’ont secoué. Pointus comme des coups de semonce et aussi arrondis par l’humanité. Pas de préciosité mais des mots pesés au trébuchet ou bien plaqués tels quels pour dire cet être au monde, le même au fond – à ce que je lis – par-delà l’océan et hors la météo. Présomptueux de critiquer le poète. Je lui laisse la parole : « Il ne reconnaît plus rien / et mesure mieux ce qui le sépare / d’une mémoire plus antique ». « Je suis vide dit-il il y a trop de bruit en moi. » «  Si près du néant si bien / que la mort tu l’entends respirer ». Il dit pourtant aussi l’espoir : « Tu n’es jamais si loin / de parler avec le ciel bleu / pas d’autres voies que les mots ». Écriture malgré tout et sur tout : « mon histoire histoire d’occuper le jour / de comprendre l’arrière des façades ». Une écriture clairvoyante, solide et noueuse comme des aphorismes : « tout homme n’a devant lui / que son reflet à contempler […] tel qu’il est sans projet / et sans futur agité seulement par l’instant ». « quel sillage mènera donc jusqu’au jour suivant ». Merci, Paul !

BAUD Denis, Alfred Nakache le nageur d’Auschwitz, éd. Loubatières.*

Exception confirmant la règle, j’évoque ici un livre d’histoire. Biographie d’une vie à la fois marquante à Toulouse et internationale, puisque y est évoquée la vie du champion de natation originaire de Constantine, qui vécut successivement à Paris, Toulouse et La Réunion, avec un terrible intermède en déportation à Auschwitz. On suit l’ascension sportive d’un gamin d’origine juive et pied-noir qui apprit à nager dans un bassin au fond des gorges du Rhummel avant de participer aux fameux jeux olympiques de Berlin, puis de devenir champion du monde. Ce qui n’empêcha pas sous Vichy une terrible chute. Raflé à Toulouse avec sa famille, il connut Drancy puis le camp d’extermination dont il réchappa grâce à des coups de hasard. L’histoire de cette vie retrace à la fois la grande Histoire et aussi l’histoire locale toulousaine. Car, alors qu’on ne savait pas encore si ce déporté en reviendrait, le nouveau maire Badiou, issu de la résistance, soutint la proposition du conseiller municipal communiste Jean Weidknnet de baptiser du nom d’Alfred Nakache la piscine municipale d’hiver. Extrait de la relation par l’historien des formules du discours de Weidknnet :
« Il remarque sa « probité sportive », son « sérieux, » son « travail opiniâtre » et son désintéressement qui le fit payer de sa personne » […] et il conclut : « Le 9 octobre 1944, elle (la municipalité ) décide donc de donner le nom du recordman du monde […] un symbole incontournable de la vie locale. »
Je me prends à rêver, aujourd’hui où le passé ne rapporte guère, d’enfants apprenant à nager et apprenant aussi l’histoire de leur piscine…

* Les Nouvelles Editions Loubatières, à Portet (31), combinent le traditionnel intérêt de cette maison pour le régional avec l’ambition d’être un véritable éditeur généraliste.

BARD Patrick, La Frontière, Ed. du Seuil.

Patrick n’est pas de ceux qui écrivent sans quitter la chambre. Avec son épouse, Marie-Berthe Ferrer, il arpente l’Amérique Latine depuis de nombreuses années. Reporter et photographe, il court le monde à voir, à photographier et à écrire, sans oublier de s’intéresser vraiment aux autochtones (il mène un travail sur l’eau en Amazonie). Ses œuvres ont été acquises par plusieurs musées et collections privées. Si certains peinent longtemps avant une reconnaissance, son talent à lui éclata dès ce premier polar qui, publié en 2002, obtint plusieurs prix. Confirmé par la dizaine de romans qui suivirent, ce coup d’essai donna le tableau le plus original et le plus émouvant sur les mexicains à la frontière des States. Une enquête qui tourne au roman de la route, chargée d’une émotion de photographe : « Il fut distrait à ce moment précis par le disque sanglant qui émergeait d’une lointaine bande de nuages, au large./Difficile de s’imaginer la violence du sort des clandestins qui, ailleurs sur la frontière, cherchaient à passer aux États-Unis. » L’hispanisant voyageur a pêché lui-même l’information sur le vif. Elle est parfois criante, bien au-delà de l’imagination souvent indigente de certains plumitifs cherchant à singer les auteurs yankees. Ainsi cette image de cholos (voyous) incarcérés à la prison d’état de Ciudad Juárez : «  Tous avaient au creux de la main, entre le pouce et l’index, les trois points symboliques communs aux gangs, qu’ils fussent Chicanos aux Etats-Unis ou Mexicains à Juárez  […] Les surnoms des cholos étaient tatoués à la base de leur nuque, sous les cheveux brillantinés, plaqués sur le crâne par un filet […] qui arboraient une larme tatouée au coin de l’œil, le signe de reconnaissance des taulards.» Et, après la description, cinq mots laconiques : « À longue peine, grande larme. »

BALTI Béatrice, Zeyda, servante de l’Alhambra, roman, Ed. L’Harmattan. *

Je connais Béatrice qui travaille dans une discrétion qui n’a d’égale que son sérieux et son acharnement. Dans ce roman historique l’action se déroule au sud de l’Espagne, à la fin d’Al Andalous au XVème siècle, moment charnière où notre civilisation européenne se coupa de celle de l’autre rive de la Méditerranée. Nous sommes en 1482. Les Rois catholiques récupèrent les derniers morceaux de ce territoire qui vit une brillante civilisation musulmane développer sciences et techniques, au contact du reste de l’Europe chrétienne grâce notamment au truchement de savants juifs. Temps mal connu puisque dans ces cours islamiques se rencontraient les cultures tandis que le vin coulait à flots et que son usage, loin d’être honteux, était vanté par le poète Ibn al Sid : « Combien de nuits as-tu passées / Ne déchirant le voile noir des ténèbres / Que grâce au vin qui rutilait comme un astre ?… »  Une petite servante est admise au palais où elle devient une des dames de compagnie de la reine, dans l’ambiance particulière de l’Alhambra, extrêmement poétique et raffinée mais sous la menace de la fin avec son cortège de trahisons. Car bientôt la cour va quitter Grenade… On reste époustouflé par la documentation et les connaissances linguistiques de l’auteur, sans quoi un monde n’est que survolé et un ouvrage n’est que vulgarisateur au mauvais sens du terme. Si l’écriture reste peut-être un peu prisonnière parfois de ces connaissances, elle nous transporte vraiment au palais de l’Alhambra dans les intrigues et les angoisses de cette fin de règne, avec les parfums et couleurs correspondantes. Telle la préparation du bain de la princesse : « dans la salle intermédiaire, maintenant envahie par de longs rubans de vapeur tiède et odorante. La jeune fille avait fini de couvrir l’eau du bassin avec des pétales de rose, tour à tour pâles ou écarlates et elle rajoutait pour terminer quelques fleurs de nard indien au parfum suave et au pouvoir relaxant. » À lire pour entendre le sort du dernier roi Boabdil qui dut se résoudre à remettre les clés de la ville de Grenade puis émigrer dans l’oubli… dont le sortiront heureusement Federico Garcia Lorca (Romancero gitano) et Louis Aragon (Le Fou d’Elsa), tandis que la mémoire populaire avait nommé le dernier lieu d’où ce souverain déchu vit sa ville perdue : « Le dernier soupir du Maure. ». Pour partager aussi, avec une connaissance précise des faits et gestes du temps, la peine et les joies d’une jeune fille dans cette aventure.

* À commander dans toutes les librairies ou auprès de l’auteur : beabalti@yahoo.fr

BAKHAÏ Fatéma, Oran après la mer, roman, Ed. Après la lune.

La nouvelle collection « Bel horizon » dirigée par Yasmina Khadra va bientôt comprendre mon prochain roman : À la santé des pachas. J’ai eu la curiosité de lire Oran après la mer dans cette même collection. Et bien m’en a pris ! Ce roman débute par une note aigre sur l’hôpital algérien aux « médecins, souvent sans expérience, introuvables quand on en a besoin, toujours dans un service qui n’est pas le leur, pour diriger un parent, un ami, pour obtenir une consultation immédiate ». Il s’agit en fait de l’évocation de tout un temps féminin en Algérie, depuis l’enfance de petite fille bien avant-guerre jusqu’à la fin de la vieille dame vers la Libération. Son grand-père était allé rejoindre Abd-el-Kader contre les conquérants français mais dans son quartier d’Oran les musulmans se mêlaient à Mme Lopez, Maryse, Santa-Cruz… en bon voisinage. « Les ennemis, pour moi, c’étaient les autres, ceux que je ne connaissais pas. » À côté de ce presque truisme, on découvre le soulagement de la jeune fille lorsque sa mère lui tendit son premier voile, si rassurant alors qu’elle craint de perdre ce qu’on lui a nommé « la petite fleur » : « parce qu’un jour j’aurais à prouver que personne n’avait tenté de la cueillir ». La scène du mariage contre son gré, où l’époux inconnu et aviné, la déflore sans ménagement, est assez classique mais poignante par l’évocation sans ambages des sentiments : « Je me sentais profondément humiliée, salie, bafouée, meurtrie. C’est à ce moment là que j’ai commencé à le haïr. » Le lecteur suit aussi la condition des petites gens à l’époque, privés de tout confort, comme lorsqu’elle découvre chez la voisine l’électricité et la radio ou aussi quand elle évoque les lavandières dans l’oued. « J’en ai connu des femmes qui ont usé leurs mains dans l’eau savonneuse, qui, à quarante ans, n’arrivaient plus à redresser leur dos ! » La place me manque pour rapporter tous les épisodes émouvants – et parfois surprenants – de cette vie, entre autres son veuvage et le remariage heureux à titre de seconde épouse, tandis qu’en toile de fond se déroule l’Histoire arrivant à l’indépendance. Une vie ordinaire de son temps, pareille à celle de pas mal d’algériennes. « Mais qui se souvient d’elles ? » Alors qu’au mieux l’on évoque ici maintenant ce qui ne fut même pas nommé : guerre, cette lecture émouvante apparaît comme un dû.

BAQUÉ Gilbert, Ressacs, n&b éditions.

Gilbert est un poète discret, à la fois délicat et puissant. Voici un recueil de poèmes où il cherche bien un sens plus pur aux mots de la tribu, comme le souhaitait Arthur Rimbaud. Usant du privilège de l’acuité de vision que confère le bel âge, l’auteur balaye l’alpha et l’oméga de la conscience, depuis la jeunesse de l’amour jusqu’au spleen de la vieillesse, atteignant même à quelque profondeur métaphysique, avec une place de choix réservée à l’amour comme panacée universelle :
« Le temps se vide./Les envies folles d’été que les femmes préservent sous leurs robes ! »
Si la poésie ne fait pas aujourd’hui de profit, quoi de plus profitable pourtant ? C’est écrit souvent à la manière de calligrammes et il n’est pas aisé de le citer sans trahir :
« Le front que tu effleures/la bouche que tu lèches/le jonc tendu des hanches que tu courbes/comme un arc/les mains que tu rassembles/Tout te presse de clore les battements du sang/d’apprivoiser la phrase/de calmer les mots/Avec la peur/toujours présente/que ton poème reste en dessous des choses. »
Bien qu’ayant déjà publié dans la revue Action poétique dans les années 60, Gilbert Baqué reste toujours modeste Il est pourtant aussi joueur de jazz (trombone à coulisse), militant et instituteur honoraire. Un homme presque total ? L’antithèse du petit bourgeois, en tout cas. Le regretté Michel Lafarge* notait en avant-propos de cet ouvrage publié avec le concours du Conseil régional de Midi-Pyrénées : « Alors cet homme comprit que la poésie est plus vraie que le réel, et qu’il tenait entre ses doigts le pouvoir de tout dire. »
* Animateur fondateur de l’émission littéraire et artistique : « Excusez-moi de vous interrompre » à Radio Mon Pays (Toulouse).

BAGLIN Michel, L’Alcool des vents, poèmes, Editions Rhubarbe.

Parmi sa vingtaine d’ouvrages Michel a publié une dizaine de recueils de poèmes dont l’un d’eux lui valut le prix Max-Pol Fouchet (Les mains nues ; L’âge d’homme, 1998). Son écriture allie l’élégance à la force de la sincérité et aussi à un esprit humaniste vrai : insoumis et généreux, que l’on retrouve dans sa démarche d’animation d’un site d’hommages aux autres auteurs*. Ce recueil, édité il y a déjà plusieurs années et depuis épuisé, est heureusement réédité par Rhubarbe avec la collaboration pratique de l’auteur (dans le cadre d’un projet de direction de collection)**. Cela valait la peine. Quelle émotion à lire ces « actions de grâce » où l’homme qu’on devine parfois blessé ne cesse de rendre grâce à tout, depuis de petits riens qui ainsi écrits sont tant et tant. On se sent minuscule devant cette énorme force d’amour et de foi, qui n’empêche la colère et la révolte et qui avec tout ça réussit le tour de force de rester simple. Je lui laisse la parole : « Ne t’étonne pas que je rende grâce, moi l’athée / […] C’est sans doute que je parle pour toi, / le temps de t’offrir un verre et que tu sortes de toi-même. » ; « Moi, je leur sais gré [aux fragilités] pour ce qu’elles m’ôtent d’assurance, /  […]  dans le labyrinthe du cœur de l’autre qu’on n’en finit jamais d’apprendre […] » ; « Oui à toute ivresse qui dit et redit et crie et chante même la soif, la psalmodie, la balbutie / notre soif d’hommes qu’elle n’étanchera pas. » ; « Chacun ses grâces. / Elles ont des noms de femmes, souvent. / Des odeurs de fenaison à fleur de sexes et d’aisselles, / des goûts mêlées de corps aveugles, d’abîme ému […] » ; « Je rends donc grâce à ces riens qu’on appelle escales / […] A cette ivresse qui persiste quand tout déchante […] » Au poète qui aide à vivre, merci !

* http://revue-texture.fr

** J’en profite pour noter combien il faut mouiller doublement la chemise en poésie : après l’écriture il faut souvent aider à l’édition et toujours à la diffusion, tant le marché a marginalisé le lyrisme « gratuit ».  

BAGLIN Michel, La Balade de l’escargot, roman, Pascal Galodé éditeurs.

L’auteur est plus connu pour ses livres de poésie mais j’ai beaucoup aimé ce livre, son troisième roman noir après Lignes de fuite et Un sang d’encre. C’est un beau roman, authentique par l’écriture et par les sentiments, bien au-dessus, selon moi, de bien des choses que l’on peut lire aujourd’hui. Une histoire de corruption et de scandale avec en surimpression la déchéance comme elle nous guette tous et aussi, et surtout, l’amour d’un homme qui s’éveille à chercher à comprendre sa fille (recluse dans le mutisme après un viol). Il part pour prendre la route en camping-car, avec une toute jeune femme qu’il « repêche » d’une vie en squat. Et, si l’on lit en profondeur, une quête métaphorique de LA fille perdue dont l’autre est un substitut, dans le panorama d’un Toulouse où la déchéance et la délinquance côtoient l’idylle au site de « l’Embouchure » des canaux… C’est écrit par un poète, avec un talent dont on peut être parfois jaloux, du fait de sa force mesurée. « Le monde au fond, comme les tournevis et les clefs à mollette, l’intimidait. Mais il y avait aussi dans son attitude une sorte de commisération pour quelqu’un qui n’avait pas encore compris. Floréal m’avait dit que je perdais mon temps, parce qu’on ne répare jamais rien. » Et c’est mené avec originalité, sans se croire tenu à respecter des règles du polar anglo-saxon. J’y ai pris un plaisir extrême.

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