Je connais Béatrice qui travaille dans une discrétion qui n’a d’égale que son sérieux et son acharnement. Dans ce roman historique l’action se déroule au sud de l’Espagne, à la fin d’Al Andalous au XVème siècle, moment charnière où notre civilisation européenne se coupa de celle de l’autre rive de la Méditerranée. Nous sommes en 1482. Les Rois catholiques récupèrent les derniers morceaux de ce territoire qui vit une brillante civilisation musulmane développer sciences et techniques, au contact du reste de l’Europe chrétienne grâce notamment au truchement de savants juifs. Temps mal connu puisque dans ces cours islamiques se rencontraient les cultures tandis que le vin coulait à flots et que son usage, loin d’être honteux, était vanté par le poète Ibn al Sid : « Combien de nuits as-tu passées / Ne déchirant le voile noir des ténèbres / Que grâce au vin qui rutilait comme un astre ?… »  Une petite servante est admise au palais où elle devient une des dames de compagnie de la reine, dans l’ambiance particulière de l’Alhambra, extrêmement poétique et raffinée mais sous la menace de la fin avec son cortège de trahisons. Car bientôt la cour va quitter Grenade… On reste époustouflé par la documentation et les connaissances linguistiques de l’auteur, sans quoi un monde n’est que survolé et un ouvrage n’est que vulgarisateur au mauvais sens du terme. Si l’écriture reste peut-être un peu prisonnière parfois de ces connaissances, elle nous transporte vraiment au palais de l’Alhambra dans les intrigues et les angoisses de cette fin de règne, avec les parfums et couleurs correspondantes. Telle la préparation du bain de la princesse : « dans la salle intermédiaire, maintenant envahie par de longs rubans de vapeur tiède et odorante. La jeune fille avait fini de couvrir l’eau du bassin avec des pétales de rose, tour à tour pâles ou écarlates et elle rajoutait pour terminer quelques fleurs de nard indien au parfum suave et au pouvoir relaxant. » À lire pour entendre le sort du dernier roi Boabdil qui dut se résoudre à remettre les clés de la ville de Grenade puis émigrer dans l’oubli… dont le sortiront heureusement Federico Garcia Lorca (Romancero gitano) et Louis Aragon (Le Fou d’Elsa), tandis que la mémoire populaire avait nommé le dernier lieu d’où ce souverain déchu vit sa ville perdue : « Le dernier soupir du Maure. ». Pour partager aussi, avec une connaissance précise des faits et gestes du temps, la peine et les joies d’une jeune fille dans cette aventure.

* À commander dans toutes les librairies ou auprès de l’auteur : beabalti@yahoo.fr