Le théâtre du Pavé se trouve au 34 rue Maran, quartier Saint-Agne, un des vieux quartiers toulousains qui comporte une gare, une station de métro, une église et un institut de formation de professeurs fonctionnant tant bien que mal tandis que ce théâtre reste clos.

Voici un lieu, symbole de la souffrance et de la résistance des travailleurs de la culture en France, grand pays des arts et lettres et aussi d’exception culturelle qui se voit soumis à un interdit que l’on croyait réservé aux dictatures. Dommage quand même quand ce genre de lieu culturel sait bien respecter les consignes sanitaires, fréquenté d’ailleurs par un public fort discipliné.

C’est dans un enclos, le lieu d’un cinéma de quartier fermé depuis de nombreuses années, qui se nommait autrefois « Le Rialto », qu’en 1991, le Théâtre du Pavé s’installa rue Maran où il peut disposer d’un espace de parking et surtout de deux salles, celle du bar avec une cinquantaine de places et celle de spectacle de 208 places (en temps normal).

Après une belle et longue histoire d’abord post-soixante-huitarde, l’équipe fonctionne sous la direction de Francis Azéma, en se recentrant aussi sur l’enseignement (école de théâtre). Tout en poursuivant son travail de création, la compagnie ouvre ce lieu à d’autres compagnies de théâtre, de danse, à des peintres et des musiciens… Exploitant une acoustique étonnante, elle ouvre également le théâtre à la création de musique contemporaine, en organisant cinq années de suite, au mois de mai, Le “Mai de La Musique”.

Il convient de conjuguer tout cela au passé. Car les salles de spectacles restent closes, les directives gouvernementales ne faisant pas du théâtre une activité de première nécessité. Comme si l’on pouvait vivre en ne se nourrissant que de pain… ou de fringues ! Ce qui provoque une désapprobation générale. Cette situation inspire des prises de position publiques comme celle d’Ariane Ascaride dans sa lettre ouverte à Macron : « ce qui fait un trou à mon âme est l’absence dans votre discours du mot « Culture ».

Corinne Mariotto est comédienne à Toulouse, elle m’a confié combien la vie de ses pareils est difficile. Ils ont répété un spectacle en décembre jusqu’à apprendre que l’autorisation ne serait pas donnée. « Une quarantaine de dates ont été annulées l’an passé… Maintenant, on commence à répéter La Misanthrope… sans garantie de jouer !  » Et voilà que c’est compromis à nouveau.

Ayant partagé des spectacles au Pavé, au milieu d’habitués, avec plaisir et passion, sans omettre parfois d’échanger au cours de « bords de scène », je reproduis ici un extrait de la présentation que s’en donne la structure sur son site :

« Au delà de ces propositions [le répertoire classique], le Théâtre du Pavé et la compagnie « Les vagabonds » militent pour développer l’accès à la culture pour tous par des actions de sensibilisation et un partage d’expériences (rencontres et échanges avec les publics, représentations en journée, large ouverture au public scolaire…) et par des tarifs abordables : en plus du réseau des carnets Pleins Feux, le Théâtre du Pavé a mis en place les places pARTage … à un tarif 5 fois moins cher que le tarif le plus élevé. »

Pour le sourire, au lieu d’éructer sur l’affaire des genres, on peut s’en amuser, et l’on reste optimiste dans ce théâtre, puisque sont quand même programmés des spectacles début 2021. Cela devait commencer le jeudi 28 janvier avec un titre surprenant : « La Misanthrope à Toulouse ». Il s’agit d’un jeu des plus sérieux consistant à jouer ce que le metteur en scène – et metteur en texte – à réécrit au féminin d’une pièce conçue essentiellement pour des rôles masculins, ce en inversant les genres, démarche louable et osée de transgression des sexes et aussi des âges.

Or, tout est compromis par celui qu’on compare à Jupiter (chaque ère a ses dieux à sa mesure). Et la ville ne retrouve pour lors ce théâtre que les grecs antiques considéraient comme nécessaire à la bonne marche de la cité et que Bertold Brecht voulait à la fois démarche didactique et festive.

Imagine-t-on le pays de Molière, Beaumarchais et Sartre sans théâtre ? La meilleure résistance étant l’existence, on ne peut rien souhaiter de mieux aux compagnies et aux théâtres toulousains que de continuer à travailler et à se préparer à une reprise, naturellement avec une aide publique pour survivre. Car selon Garcia Lorca « le théâtre c’est la poésie qui sort du livre pour descendre dans la rue ».