Roman prémonitoire qui date déjà de vingt ans. Y est contée l’ascension puis la solitude d’un dictateur d’une lignée où l’on se succède assez vite par coups d’état militaires, comme dans la patrie de l’auteur algérien. Celui-ci mourut réfugié en France, assez jeune. Prémonition encore que le temps si court dans ce roman ? Je n’ai pas toujours été emballé par l’écriture, description de mécanismes d’oppression systématique jusqu’à la fantasmagorie. Moins emballé, en tout cas, que dans Le Fleuve détourné. Mais cette écriture hallucinée peut captiver le lecteur dans un tableau de la folie d’un héros ambitieux : « Notre armée n’est pas destinée à se battre contre une autre armée. Les maréchalissimes qui dirigent les pays voisins ont la même conception que la mienne. » Force du simple constat. « … rien de plus immonde que le pouvoir. C’est la perversité absolue, le mal intégral, la vilenie pure, l’horreur au quotidien, la pire des calamités. » Aussi la prise de position. Et même prédiction : « Qui peut prédire ce que nous réservera demain ? Tout change. Des armées réputées invincibles se retrouvent défaites par une poignée d’amateurs barbus mais obstinés. […] Les régimes connus pour être les plus stables se font balayer en quelques heures. » Pourtant, limiter le livre à cela serait n’en lire que la surface. Car il y a la 3è D : le drame du protagoniste envers celle qu’il aime, la condition de l’homme tout puissant sauf face à la femme. Regard assez perçant au sud de la mer pour passer outre la condition féminine locale et atteindre à une tendance universelle : « Dans les yeux d’un homme, une femme n’y cherche que son reflet. » Et retrouver la grande culture amoureuse héritée de l’érotique arabe et troubadouresque : la Dame peut être visée suprême : « Cette fille représentait pour moi un don du ciel qui cumulait toutes les revanches ». À noter toutefois qu’il s’agit ici d’une top model à la fois intellectuelle… et calquée sur les modèles européens ! Mimouni fut de la génération ayant précédé celle des auteurs algériens actuels, si nombreux, si talentueux et si reconnus en France. Il fut aussi l’un des  écrivains des plus primés. Curieuse algérophilie sous l’algérophobie hexagonale ! La fin du livre évoque l’art de fomenter un vote « démocratique » élisant le dictateur successeur…