Peu d’éditeurs français se risquent à éditer des nouvelles. Le Temps des cerises a même fait mieux, il a mis « la nouvelle à l’honneur » en publiant des textes courts de contemporains : Patrick Besson, Roger Bordier, etc. et de classiques : Gorki, Desnos… L’éditeur diffuse aussi une toute petite gazette où, à côté d’éloges de la nouvelle, on peut lire une belle historiette de Desnos. L’écriture de Mondoloni me rappelle certaine presse soixante-huitarde, tant elle fleure l’instantané et le sincère. Pour le meilleur, elle croque des instants vrais de notre vie si déboussolée, éperdue parfois : « Sa vie pouvait s’organiser autour de l’esquive […] » Textes courts pour brèves rencontres. Ce qui n’exclut pas la profondeur : « Qui a dit qu’avant d’aimer une femme il faudrait connaître son passé ? ». Ni l’humour, quand le « nègre » d’un homme politique est en délicatesse avec lui : « Je suis devenu le nègre, la bête noire qui lui rappelle qu’il n’est pas l’auteur […] ». Ni même quelque désinvolture dans de brèves fictions expédiées en guise de vœux annuels, telle « Christmas pudding » où le tueur est guidé par « l’odeur lourde du pudding qui colle à la rue, l’odeur de la graisse de rognon, de cognac ou de bière brune qui s’échappe par les fenêtres grandes ouvertes. » Le texte le plus poignant pour un auteur est évidemment Le Nègre et le Blanc. J’ai aimé aussi la nouvelle qui donne son titre au livre : jeteveux.com. Un peu mode peut-être, cette histoire de communication érotique et pornographique par Internet ! Mais justement, quel désarroi, et quelle justesse, à s’apercevoir que dans cette « com » si efficace, croît-on, l’on reste profondément berné ! Sans oublier l’autodérision du nègre qui sait écrire avec « ellipse digne de Flaubert ». Un ouvrage offrant de bons moments, avec un avantage du texte court : multiplier le plaisir.