J’ai toujours été fasciné par la maîtrise de la nouvelle chez cet auteur qui fit passer la peinture – critique – du monde avant son orgueil de plumitif. Il existe bien des éditions de divers choix de nouvelles, certaines avec fiches pédagogiques. J’ai choisi un volume hérité de ma mère, aux éditions d’art Lucien Mazenod, où l’on peut entre autres trouver le fameux : « La maison Tellier » et aussi des textes évoquant l’occupation prussienne après la défaite de 1870. Parmi eux, le tout aussi célèbre « Boule de suif ». On ne paraphrase pas ce que l’écrivain a si talentueusement produit dans un art dont pas mal d’« auteur(e)s » actuell(e)s feraient sans doute bien de s’inspirer, elles et eux qui oublient le monde pour borner leur vision à leur nombril, quand elle n’est pas fixée plus bas. C’est l’histoire d’une fille dite de joie qui, sous la pression des bourgeois et bourgeoises voulant être libérés, va se soumettre à l’officier prussien pour finir par ne récolter que le mépris. Aventure exemplaire qui pourrait être contée plus tard sous l’Occupation nazie ou encore aujourd’hui car on peut douter d’un progrès dans l’égalité et le respect de l’autre. Le meilleur hommage est de laisser la place aux mots mêmes de l’auteur : « Beaucoup de bourgeois bedonnants, émasculés par le commerce, attendaient anxieusement les vainqueurs… » ; « Il y avait cependant quelque chose dans l’air, quelque chose de subtil et d’inconnu, une atmosphère étrangère intolérable, comme une odeur répandue, l’odeur de l’invasion. » Et, dit par la religieuse qui prêche pour que la fille se donne au Prussien : « Une action blâmable en soi devient méritoire par la pensée qui l’inspire. » Un bijou.