L’ex-hôpital de La Grave (à Toulouse) dont l’origine remonte à la fin du XIIè siècle sous le comte Raimon IV, se vit assigner dans l’histoire le rôle d’isolement des indésirables, soient les mendiants, les enfants trouvés, les invalides, les incurables, les aliénés et les prostituées, et surtout, bien sûr – on aurait pu s’y attendre – les pestiférés. Bien plus tard, il fut le siège de beaucoup plus roses activités : l’école d’accouchement et la maternité. Mais revenons au cours de l’histoire que nous connaissons.

Au milieu du XIVè siècle, la Peste Noire éclata à Toulouse en tuant un tiers des habitants. C’est le plus grand fléau qu’avait connu l’Europe à ce jour : l’épidémie y a fait 30 à 40 millions de morts (parmi 75 millions estimés dans le monde). Or cette calamité fut récurrente pendant plus de quatre siècles. Au début du XVIème une nouvelle vague épidémique fit que cet Hôpital de La Grave fut agrandi et prit pour accueillir les pestiférés le nom d’Hôpital Saint-Sébastien (du nom du saint invoqué pour combattre le fléau). Puis, au début du XVIIè, la plus meurtrière épidémie de peste s’abattrait sur Toulouse.
Le parlement toulousain s’enfuit à plusieurs reprises pour résider à Montauban, Muret,
Lavaur et Grenade, car les riches et les puissants tentaient ainsi d’échapper à la maladie. Dans un livre de Jean-François Gourdou : une biographie intitulée Le Professeur Augier Ferrier et la Reine Catherine de Médicis (chez St Honoré Editions), on apprend que ce personnage, natif de Toulouse, familier et protégé de la reine, avait publié un ouvrage à propos de la peste. Le livre indique des remèdes préconisés contre la grande peste à Toulouse.

Premier remède : « Se retirer tôt, aller loin, revenir tard ». Notons que notre pandémie actuelle mondialisée rend inutile ce genre de fuite ! Le professeur Ferrier ne s’en tient pas là pour autant, il préconise « la préservation », soit fortifier le corps et pratiquer l’hygiène corporelle pour résister à l’infection transmise par l’air ou les aliments. Et de proposer enfin une « Mixtion », mélange d’extraits de plantes qui auraient fait merveille depuis l’antiquité, potion qui n’est pas sans évoquer les nombreux remèdes de « bonne femme » proposés par maint sites sur internet aujourd’hui.

Si le confinement actuel, chacun chez soi, est difficile à supporter tandis que l’hospitalisation est sans doute terrible pour les cas très graves, je laisse à imaginer ce que pouvait être l’isolement musclé dans un ghetto des malades de la peste en ces temps-là. Les murs et grilles encore en place aujourd’hui donnent le ton de la politique du « Grand Renfermement », comme on l’appela, laquelle fait état certes d’une volonté de solution mais montre bien aussi l’impuissance à soigner.

Notons que le siècle d’or toulousain, siècle du pastel qui fit la richesse de gros négociants faisant construire les splendides hôtels particuliers Renaissance que nous connaissons encore, fut aussi celui de guerres de religion qui virent s’affronter les partisans du catholicisme romain et les calvinistes jusqu’aux combats de rue s’ensuivant d’un exode protestant à Montauban et ailleurs. Remarquons cependant qu’au XXIè siècle on n’a rien inventé de plus contre le covid. De même nos masques ne sont-ils en fait que les descendants des grands becs d’oiseau des médecins d’alors.

Sensuivent une série de questions : comment et pourquoi, en notre temps présent, sommes-nous aussi désarmés devant une épidémie qu’on l’était il y a cinq siècles, à la sortie du Moyen-Âge ? Où en est notre médecine où s’évertuent des soignants qui, démunis de moyens de juguler l’infection, préconisent seulement l’isolement ? Où en sont les incompétents et fourbes dirigeants qui non seulement nous laissèrent sans prévention et sans remèdes devant la pandémie mais encore organisèrent la déficience de nos hôpitaux ?
Rendons au moins justice au temps du Professeur cité, on y trouve un
rejet des vieilles idées scolastiques obscurantistes pour rechercher dans l’Antiquité ce qui pouvait renouveler la pensée et l’action. On ne sait si de nos jours l’humanité trouvera la ressource de rejeter l’idéologie économique libérale mondialisée qui nous a conduits tout droit où nous en sommes. On constate pour lors que nous ne sommes capables que de confiner les gens, soit de faire un peu comme jadis, isoler et renfermer pour préserver. En espérant que ce ne soit pas aussi pour mieux régner !