Ceci est un livre-objet, en beau papier « Brut de Centaure ivoire », avec DVD d’un récital avec le guitariste Pedro Soler et aussi des dessins d’Ernest Pignon-Ernest sur « poèmes-tracts ». L’auteur est de ceux que j’aime et admire, écrivant pour dire – et disant – et aussi plus familier de l’Afghanistan et autres Orients que des salons parisiens. Il dit aussi à la Maison de la Poésie et à France-Culture, mais n’est pas de ceux qui gardent la chambre en prétendant connaître le monde. Quoique Descartes suggérât que les voyages ne forment pas la jeunesse mais la distraient tout au plus, on sait bien toutefois depuis les encyclopédistes que l’altérité nourrit la pensée. La poésie, en tout cas, qui nous offre ici de si beaux moments : « bête ou fauve / fils ou frère / du vieux Minotaure / on ne sait au fond de soi / à quel mystère / se raccorde le trouble, le désir / le vertige »  ; « J’ai dévoilé ce qui m’aveuglait / commandé un peu au jeu des reflets, /  mais un peu seulement / J’aurai vécu comme un train lancé dans la nuit » ; «  Décidément, décidément / plus de civilité, / plus de sursis de complaisance : / on va jeter le sac d’un coup / et d’un coup le vider […] Décidément, décidément / plus de réticence, / plus de survie ni d’habitude : / on va reprendre l’utopie au bond / et d’un bond l’embraser […] jusqu’à raviver un blasphème de Khayyam / une indécence de Théophile / un travelling de Hugo, / un bras d’honneur d’Apollinaire, / et d’Alberti le grand galop, / sans pactiser à jamais ». À qui souffre et ne se résout pas, un objet-baume et un livre tonique.

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