Une lecture à Polars du sud (Toulouse au début de l’automne) par la comédienne Danielle Catala m’a révélé ce livre que je ne connaissais pas. Sacrée lacune, heureusement comblée par l’achat séance tenante et la lecture qui s’ensuivit. D’entrée de jeu, on sait où l’on se trouve. À Mexico, cette mégapole digne de toutes les villes « polardesques », et aussi dans la Littérature avec un grand L, celle qui ne met pas le monde au congélateur. Dans l’introduction, l’auteur assure : « le roman noir, à l’envers de nos nombrils de Français bien nourris, continue à porter les germes d’une critique sociale comme il n’en existe à aucun étage de notre littérature en col blanc. » Et nous voici embarqués dans cette ville folle, aux bas quartiers peut-être encore plus bas qu’ailleurs. Sur une énorme décharge règne un « roi », prototype de l’infect parvenu exploiteur dans l’ordure, violeur incestueux, etc. La règle du jeu sera pour le héros de parvenir à le liquider, autant par jalousie que par haine et par intérêt. Pas tout à fait le « héros positif », on le voit, mais un type si touchant, invoquant tour à tour son père, le Marlowe de Chandler et aussi, et surtout, l’amour… Intrigue loin du jeu d’échec classique des anciens romans policiers, aussi des arcanes plus ou moins troubles des thrillers contemporains. Une occasion de brosser un coin du terrible tableau de la société mexicaine, gouvernée comme toutes par le fric et le pouvoir. L’occasion aussi de décrire avec un talent inouï : « Labyrinthe d’autoroutes embouteillées, d’échangeurs saturés d’hydrocarbures, au fil du temps Mexico a pris le goût des amours interlopes. Et puisque les conquérants ont laissé leur semence dans ses flancs, elle a choisi, terre d’asile, d’aimer tous ses fils, produits d’une alliance forcée par le feu et par le sang. » Vautrin joue si peu qu’il tire les ficelles pour donner de l’amour à une énorme dame en mal de ça : « C’est si facile de rendre un avenir à quelqu’un ! » Sans compter que l’histoire n’est pas absente, sans quoi l’écriture est toujours myope, par l’évocation du riche et douloureux passé précolombien avec Tenochtitlan, Tlaloc, etc. Impossible de rendre compte d’un pavé de 350 pages où chaque ligne étincelle. Que dire ? Sinon qu’on aimerait avoir écrit cela : « Maquillée de néons, crêpée de buildings, couchée sur le limon de la vallée […] la ville-lune dort dans son lit de lave […] beauté aztèque au sexe fouillé par les enfants de Cortès, elle geint dans son sommeil. »