Une jeune française se retrouve à Tunis seule avec son enfant. Elle a fui une douleur due à un homme. Elle refuse de lire ses lettres. Et elle ouvre toute grande son âme blessée sur le pays. Quant à la situation des femmes, en butte très jeunes à l’homme, parfois fille haïe par le père… Stupéfié, on veut espérer qu’il ne s’agit que de certaines là et que de toute façon ce prototype de père fait preuve de l’homme qu’on n’est pas ! Le livre vaut aussi pour des notes générales : « Là-bas, [en France] les femmes peuvent croire se faire belles pour elles-mêmes. Ici, c’est impossible. Impossible de ne pas se souvenir que les hommes réclament la beauté des femmes comme un dû. Difficile de passer au travers des regards. » Tout ceci conté dans ce poids du vécu tragique, parfois brûlant de l’affrontement, parfois glacé de la perte culturelle, englué souvent dans cette lourdeur de l’âme éperdue : « Aujourd’hui, ce qui m’est ravi, c’est cette appartenance immémoriale […] Je suis une étrangère, irrémédiablement. » Dans les odeurs, les goûts, les visions, les sons, et aussi dans la chair : « La nature aussi me travaille. Un matin, sans crier gare, j’ai envie d’aimer. » Parfois logorrhée appliquée, celle de l’agrégée qu’est l’auteur, cette démarche creuse pourtant l’émotion, résonnant de sa propre culture, mais par-delà les idées reçues sur le Maghreb. Quant à l’écriture, je peux lui appliquer la phrase de Genet : « Ma victoire et verbale, je la dois à la somptuosité des termes. » : « Ces derniers temps, souvent, il m’a fallu sortir, retrouver la lumière de fin d’après-midi qu’on goûte dans les rues avoisinant les ports puniques ; c’est que ma peau aspire à ce bain bleu et rose. » À la fin, l’héroïne locutrice va lire les lettres…