Cet ouvrage comporte aussi des reproductions de peintures. Hamid fut il y a beau temps mon élève, en philo au lycée Ibn Sina de Béjaia en Algérie. Ne l’ayant suivi que de loin, je le retrouvai il y a peu à Paris où il accepta de me donner un dessin en couverture d’un de mes romans**. Homme toujours réservé, Tibouchi, sait écrire en poète affirmé : « maintenant que la mort/nous met un peu plus de noir dans l’œil/un peu plus de neige aux cheveux/qu’avons-nous gardé des étreintes/des lacis nus de nos nuits/[…]*** Mais il place en exergue de Portées une citation de George Braque : Écrire n’est pas décrire. Peindre n’est pas dépeindre. Tout est dit… Lui qui côtoya Jean Sénac, sait le prix des désillusions. Le sort du poète solaire, comme celui de Tahar Djaout et de tant d’autres, lui apprit aussi le prix de la douleur. Tibouchi, qui naquit entre le français, le kabyle et l’arabe et devint prof d’anglais, passe sa vie à chercher un langage vrai entre la poésie et la peinture. Ses signes doivent beaucoup « au poids d’une fausse culture du Livre et de la non représentation qu’il conteste tout en respectant celle, véritable, qui a généré le soufisme. Pourtant, toujours contre tout et à contre courant » (ainsi qu’il me l’a écrit), il ne peut que passer outre. Certains de ses pareils devenus cadres de la nation, lui reste en un recul qui me le rend très proche. Quelques clés dans ses notes : « Il existe deux catégories de choses : celles qui font du bruit et celles qui parlent en se taisant. Paradoxalement, ces dernières disent bien plus de choses que celles qui font beaucoup de bruit. Il en va de même pour les hommes, c’est bien connu. » Et : « Je prépare patiemment, en retrait, en silence et en secret, un grand voyage dans le Minéral et le Végétal. »


* In Hamid Tibouchi, L’infini palimpseste de Pierre-Yves Soucy, Éd. La Lettre volée, 2010.
** Algérie des sources, Éd. Le temps des cerises.
*** Kémia, Le Figuier de Barbarie, 2002.