Voici un livre qui m’a emballé car il conjugue des qualités rarement réunies : information historique, composition originale, engagement et écriture personnels. On est loin des recettes de best seller ! Le Prix Polar SNCF l’a récompensé à très juste titre à mon sens. Je l’ai relu avec passion pour ce coup de cœur, tant il est plein de sensibilité et en même temps d’enseignements. Dans cette histoire s’entrecroisent comme dans une symphonie un récit majeur et d’autres mineurs. Elle commence de façon à la fois banale et violente, le meurtre d’un père sous les yeux du petit garçon. Et peu à peu, la quête par ce personnage devenu homme éclairera une affaire de règlements de compte qui met en jeu un passé passionnant et passionné, celui de français en Algérie pendant la guerre et au début de l’indépendance, soldats aux destins divers, parfois opposés, tortionnaires et déserteurs, ex-partisans de l’OAS et « Pieds –rouges ». On y apprend (ou confirme), entre autres, que des « Pieds –rouges » participèrent à l’administration et même au pouvoir des premiers temps de l’Algérie indépendante. Et surtout, on suit le trajet d’un homme perdu qui, ayant pour amante (par hasard ?) Nadia, d’origine Maghrébine, va tenter de remonter dans sa mémoire et aussi dans l’imbroglio d’une affaire criminelle et encore dans les arcanes d’un temps de gauchisme militant. Un ancien camarade responsable étant tué tout près du héros en vacances, il va se remémorer et aussi décrypter la vie du dirigeant de l’ex-groupuscule fasciné par le communisme chinois de même que par des méthodes clandestines : « il se souvenait d’une des règles apprises à l’OCP : changer le jour et l’heure en décalant d’une unité, en plus ou en moins. Ne jamais noter le chiffre exact. » Tout ceci écrit avec la douleur humaine, mais aussi avec un certain détachement du dissident et encore avec la beauté de l’amour : « il regarda un moment le grain délicat de sa peau, à l’intérieur de ses cuisses, mis en valeur par la lumière rasante, puis il s’avança pour l’embrasser. Il n’avait pas envie de faire l’amour, juste envie de l’adorer. »