Il y a-t-il vraiment un hasard ? J’ai rencontré récemment Lazhari Labter à Tizi Ouzou pour une signature de Youcef Merahi. Ainsi ai-je connu le premier, poète et éditeur, aussi homme franc du collier, toutes choses pas toujours aisées en Algérie. Ce petit livre est composé de jolis textes courts, des tranches de l’enfance pauvre dans l’oasis de l’auteur. Le premier récit brosse d’une plume précise et simple l’histoire de la cuillère américaine trouvée dans le sable et conservée par l’enfant comme un trésor, métaphore d’un passage d’une autre « civilisation » et aussi d’une « richesse » enfouie sous le dénuement. On enchaîne avec plaisir les autres épisodes où sont gravées d’une plume précise et simple des scènes d’une enfance d’écrivain dans un désert déshérité. Nous voici à cent lieues de la langue de bois, à mille lieues d’une histoire officielle algérienne, évidemment plus loin encore d’une vision colonialiste, et à une galaxie d’une jeunesse de plumitif au sérail parisien. Si l’éditeur se permet d’éditer des ouvrages brûlants comme Le Huitième homme de Tibhirine, l’auteur montre combien son pays recèle aujourd’hui des hommes (et des femmes) capables de conjurer leurs démons en jetant aux orties la langue de bois et en s’attachant à dessiner leur réel au grand jour.
« Depuis, je ne mange qu’avec cette cuillère. Et quelle que soit la nourriture que je prends avec, elle a toujours la saveur douceâtre de l’eau mêlée au goût délicieusement âcre des algues vertes de la seguia de mon enfance. » Un plaisir à multiples facettes.