J’avais découvert cette auteure avec deux de ses splendides romans de guerre au Liban*. Plus tard, elle a bien voulu me donner un poème pour un N° de la revue Aube-Magazine où j’invitais des auteurs amis**. Et ses nouveaux livres n’ont rien perdu du pouvoir d’envoûtement. Ces choses vues violemment, femmes si sensitives qu’elles crient de douleur ou d’amour dans une écriture relevant du poème ou de la toile de peintre, en font pour moi la grande auteure du temps. Elle obtint entre autres le grand prix de poésie de la SGDL pour l’ensemble de son œuvre. Mais le quartier latin mesure-t-il à son aune exacte cette poétesse qui navigue entre l’Euphrate et la Seine, cette musicienne de mots sur les modes du songe et de la cruauté ? Avec elle foin d’états d’âme à partager en bonne société ! Sa sincérité est celle des écorchés qui se cachent sous la nudité.
Voici l’histoire de trois femmes, une pauvresse bédouine engrossée et attendant la lapidation, une sorcière délaissée par son « humanitaire » d’amant et une Française enseignante. Mais ce dont beaucoup tirent des faits divers banals, elle tresse une chanson troublante et surtout pas idéologiquement correcte, où le viol est subi avec jouissance et où l’humanitaire trahit. Littérature magnifique, de faits et idées qui interpellent et remettent en cause, tandis que la langue a cette indéfinissable qualité d’être à nulle autre pareille.
« L’homme à la jeep n’a plus mis les pieds au douar depuis des mois. Son chantier est arrêté faute de financement […] Le responsable parle d’un homme respectable, réservé et d’une grande politesse.
Et tu penses à celui qui a fait jouir Noor pendant que le
khamsin soulevait des tornades de sable autour d’eux, lacérait de ses aiguilles leurs corps soudés par le même désir, la même rage. »
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Vacarme pour une lune morte et Les Morts n’ont pas d’ombre.
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D’amour fou(s) (N°46 ; février 93).