De catastrophe en fléau, cet étrange vieux quartier, aussi touché par le confinement, semble devoir rester indifférent à sa levée prochaine. Pourtant, rien ne saurait être indemne de ces jours de maintenant, surtout pas les édifices publics (exceptée l’église).

Cette église de la Dalbade, dans la rue éponyme, quoique amputée par la catastrophe survenue en 1926, l’effondrement du clocher le plus haut de la ville, semble se tirer tranquillement de la situation. Au nom de l’ancienne église couverte d’un enduit blanc à la chaux (albata), elle montre un étonnant tympan de céramique polychrome, œuvre du toulousain Virebent au XIXe siècle d’après le couronnement de la Vierge de Fra Angelico.

Dans les rues voisines, les commerces sont clos et n’ouvrent pas à partir de ce 3 mai. Rue Joux-Aigues (entre celle des Filatiers et des Paradoux) comme ailleurs. Une pancarte en occitan dit : josaica mais Juzaigas aurait désigné le quartier juif, où restent sans doute peu de ces gens tandis qu’avec leurs convictions ils ont essaimé et vécu ailleurs, du moins quand ils le purent dans les bouffées d’antisémitisme de l’histoire.

Au prolongement de la rue de la Dalbade, 31 rue de la Fonderie s’ouvre un porche donnant sur la cour de l’Institut catholique dit « La Catho », établissement privé d’enseignement supérieur comprenant un important choix d’études littéraires, de sciences humaines et de droit ainsi que de théologie et aussi des écoles supérieures professionnelles. Nettement marquée par son appartenance religieuse, La Catho est aussi réputée pour la qualité de son enseignement et aussi son ouverture d’esprit. Elle est néanmoins fermée, comme les universités et grandes écoles, à la présence d’étudiants.

Ce quartier d’apparence poussiéreux est en fait animé par la foi et l’histoire, en fin de compte par la culture, avec aussi l’Hôtel des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, au N°32 rue de la Dalbade. Parfois désigné comme Hôtel de Malte (voir la croix de Malte au-dessus du portail), cet hôtel fut le siège du grand prieuré hospitalier. Devenu propriété nationale à la révolution, il fut racheté par la corporation des marchands de draps, puis au début du XXè siècle par la Chambre de commerce qui y installa son École supérieure de commerce.

Ayant aussi servi d’hôpital pendant la Grande Guerre mondiale, l’édifice fut enfin racheté à la fin du XXè siècle par le Ministère de la culture afin d’y installer la DRAC (direction régionale des affaires culturelles), émanation de ce Ministère depuis la politique culturelle de Mitterrand et de Lang au temps des ministres communistes. Il faut traverser la cour pour atteindre au fond les services de la DRAC (aujourd’hui réduite à une antenne de la direction sise à Montpellier), sorte de double fond moderniste en ce lieu ancien.

La culture réduite en peau de chagrin ? Et de plus objet d’interdit temporaire… comme la foi et comme la Raison, soit l’idéologie. Voilà qui est grave : « le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien (…). Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. » selon Anna Arent. Est-ce ainsi que nos gouvernants gouvernent ?

Pour le sourire, on descend vers le quai du fleuve en suivant la rue du Pont de Tounis où se trouve au N° 10 un linteau représentant Gambrinus (Jan primus), roi mythique de Flandre, sorte de Bacchus qui personnifie la bonne humeur et la joie de vivre en tenant un tonnelet, ce bâtiment ayant abrité autrefois une ancienne brasserie !

En face, le Centre occitan des musiques et danses traditionnelles (COMDT), site N°2 de l’Ostal d’Occitania, est centre de ressources consacré à la culture occitane, pratiquant stages et formations, échanges avec le bassin méditerranéen, le tout subventionné par les instances locales. Une fresque murale sur les bâtiments rénovés évoque un contenu des formes artistiques, valeur qui fut interdite, puis marginalisée et enfin victime aussi de la fermeture au public.

Or, par-delà les consensus mous et vides ressassés à longueur de médias sous influence et englués dans crises et pandémies, il est pourtant ici encore question de l’essentiel, de conviction et d’âme, avec la grande culture résistante aux standards, celle de la poésie d’amour qui éclaire L’Europe envers et contre tout. « Ils [les troubadours] reconnaissent dans l’humain un autrui, et tous les autruis ont pour eux valeur absolue. » Félix-Marcel Castan.