Les beaux jours de retour et le confinement levé, j’avais très envie d’évoquer bucoliquement comme Maxime, fleurs, oiseaux et légumes du jardin, ou encore celle qui ne croyait plus parce qu’elle n’avait plus touché de phallus depuis sa jeunesse, ainsi que l’a malicieusement fait Stéphanie. Mais des amis auditeurs m’ont instamment proposé d’évoquer une fois de plus l’hôpital Joseph Ducuing avec sa plateforme Santé-Précarité qui lutte contre les inégalités sociales de santé et pour l’amélioration de l’accès des personnes aux droits et aux soins.

En ces temps de pandémie, une catégorie est spécialement vouée aux risques, démunie de protection et de bien des choses. Sait-on qu’il existe à Toulouse 2 000 personnes résidant en squat ou bidonville, soit sur 42 sites ? Parmi eux, environ 500 enfants pour qui les difficultés sont évidemment multipliées. On ose à peine imaginer dans quelles conditions se déroula le confinement pour ces enfants. Sans logis proprement dit, comment se protéger, se détendre, se laver, s’alimenter, se soigner, sans parler de s’instruire ? Et quoi de la reprise scolaire pour eux ?

Conformément à l’esprit humaniste et généreux de Joseph Ducuing, la plateforme Santé-précarité fut créée afin d’aider et coordonner des équipes s’occupant de grands précaires ou en errance, afin de fournir l’aide d’urgence et aussi de dépister les malades et les diriger vers les hôpitaux. L’une d’elles, composée de 3 personnes dont une sage-femme et une infirmière, est animée par Mme Al Bazzou, salariée de l’hôpital pour son rôle animateur de la plateforme. Avec le confinement, il fallut fournir en produits alimentaires et d’hygiène, avec le dé-confinement il faut de plus approvisionner en gel, masques et savon, et encore aider au dépistage et à l’hospitalisation éventuelle, ce avec respect et sans stigmatiser.

En liaison avec trois enseignants de l’école Saint-Joseph-Lasalle, détachés en mobilité, la rentrée scolaire appelle une action particulière pour aider au retour à l’école d’enfants privés d’informatique et ayant, comme on dit, décroché. « Un parfait gouvernement est celui où toutes les parties sont également protégées. » assurait Voltaire. Les enfants de précaires sont victimes d’une double ou triple peine, en situation précaire eux-mêmes, en perdition scolaire et parfois en situation irrégulière.

Des galopins errent sur la piste qui traverse l’ancien site d’AZF, sortant de baraques de fortune campées sur un terrain en friche, jouant tout près des promeneurs et des cyclistes. Évidemment sans masque ni gel et sans distance de rigueur, sans rien… Pas même l’eau. Se brancher sur la borne à incendie, c’est toujours mieux que boire à la Garonne, comme ceux d’en face ! Au Tribunal Administratif, des associations ont perdu contre la Préfecture et la Mairie, la cause de l’accès à l’eau. En temps de crise humanitaire, on croit cauchemarder !

Il est de fait que les enfants sont, plus encore que les adultes, victimes de l’exclusion. Au temps de Victor Hugo, Gavroche meurt devant la barricade mais bénéficie d’une complicité de classe parmi les nombreux pauvres qui partagent son sort. Or, les gosses qui mendient aujourd’hui sont regardés avec crainte ou dégoût, pris pour des nuisibles à éviter et à parquer. Trois jeunes enfants gardés au centre de rétention de Cornebarrieu, des prisons maternelles d’enfants déplacés en Hongrie, une centaine de petits expatriés enfermée en Norvège, une « zone (dite) sécurisée » pour enfants migrants à Lesbos. Pour eux : ni liberté, ni égalité, ni fraternité ; pas même de citoyenneté ! Où est passée la Convention internationale des droits de l’enfant ?

Pour le sourire, dans une nouvelle écrite au profit des malades de l’épidémie, j’imagine la rencontre d’un petit noir égaré après l’incendie du squat proche, je le recueille chez moi, malgré les risques en tous genres, et je ne tarde pas à devoir le laisser partir, sur plainte du voisinage. Cela me rappelle un chien de voisin qui n’aboyait qu’aux « Arabes ». Et je pense à mes anciens élèves lorsque, professeur en Algérie, j’enseignai à des orphelins de guerre aux chaussures éculées. Ils se retrouvent professeurs ou chefs d’entreprise chez eux ou encore ingénieurs ou bien médecins chez nous. Pour nous soigner, entre autres, de la maladie du Covid !