Voici un livre de poèmes qui rassemble des pièces d’une construction presque mathématique. Ceci ne me surprend qu’à peine car l’ami Christian, ancien élève de l’école normale d’instituteurs de Toulouse où je l’ai connu, était comme on dit un « fort en thème », notamment fort en maths, ce qui ne l’a pas empêché d’être prof agrégé de philo. Les règles de cette écriture semblant d’emblée bizarre, sont données à la fin. Il me semble que, ainsi que dans La Disparition de Georges Pérec s’éclairant en sachant la règle, on comprend mieux la démarche en débutant par cette fin. Elle indique qu’il s’agit de 121 (11 X 11) onzains de hendécasyllabes. Je remarque d’abord que Cavaillé a compris et même poussé l’esprit de l’OULIPO considérant que c’est de la contrainte que vient l’invention. Pas douze pieds ni dix, les plus courantes mesures, mais onze, et ceci sur tout le livre ! Combiné à une dizaine d’autres contraintes fortes, cela tient de l’exploit, du défi même. Ici on ne se borne pas à ronronner plaintes ou bien épithalames. On travaille, comme le veut le mot grec ancien poïeïn : fabriquer. Cela donne bien sûr de la langue difficile, exigeant une attention forte et même une laborieuse imagination. Mais encore une écriture très personnelle, expérimentale même, où je soupçonne l’auteur cherchant en vain à évacuer tout lyrisme de l’expression personnelle. Pas un jeu gratuit pour autant : « même quand tu ne te cherches pas tu trouves / rouvertes les plaies d’un sujet à vif et / maintenant à cran sur le fil à ton tour […] » J’avais écrit : évacuer tout lyrisme de l’expression personnelle ? Et l’on voit qu’il revient au galop… «  tout contre la matière noire des mots / croisés places vacantes vocables blancs / cherches-tu à te caser ou te casser » ? Aventure de l’écriture pas anodine, très cultivée (référence au Dormeur du val entre autres : « c’est un petit val qui mousse de rayons ») comme est peut-être pour l’auteur, lui-même sur un champ après la bataille. Je vous laisse décider ou pas de transpirer sur ce recueil pour en découvrir les surprises. Mais sachez qu’aujourd’hui, la poésie a besoin pour survivre que l’on aille vers elle. De ne pas s’abandonner à la facilité du discours banal. Donner un sens plus pur aux mots de la tribu !