La mode des Cathares dépassée, restent l’histoire et aussi quelques œuvres, dont ce roman. J’ai entamé le livre avec circonspection comme pour tous les romans historiques. J’y ai pris un plaisir inattendu car la sincérité et la sensibilité des évocations compensent quelques incertitudes normales pour évoquer un temps trop occulté. Celui de la Croisade qui, au début du XIIIè siècle, réduisit le Sud à la sujétion. Le comté de Toulouse, riche et indépendant berceau des troubadours, voit se déchaîner le pape contre sa pratique de tolérance envers Juifs et Cathares. Envahi, il s’allie avec le royaume d’Aragon et de Catalogne, mais il est défait. Dans l’hexagone on a aujourd’hui la mémoire courte. D’holocauste en holocauste, oubliés la conquête et le génocide de l’espace occitan ! Et perdue la valeur de l’Amour courtois… Nombre de livres, pourtant, les relatent** pour les amateurs. La plupart se bornent à suivre la chronologie des événements, tirée de La Chanson de la Croisade des Albigeois***. Outre l’art du conteur, il doit y avoir en Peyramaure une humanité sudiste qui lui fait relater avec senti le goût des pays Audois et avec vécu une histoire faite aussi d’amour. « Une grosse haleine de vent emporta les odeurs, les bruits et il ne resta plus, l’espace d’un instant, qu’un vide chaud comme une gueule de four. » Un jeune palefrenier, troubadour amateur, tombe amoureux de la fameuse « Loba », dame dont beauté et passion rayonnent sur tout le grand sud occitan, si bien que, dûment mariée et courtisée par les grands troubadours Peire Vidal et Raimon de Miraval, elle a cependant un fils du compte de Foix… Avant-goût de ces belles lignes où se bousculent les temps jadis qui nous habitent toujours (ah, la survie du « temps long »…) avec la passion éternelle de vivre : « Je m’étonnais à la longue qu’elle ne comprit pas que sa seule vue me mettait des épines dans le cœur […] Il n’en finissait plus de l’escalader avec la pointe des lèvres, de plonger vers des talwegs de velours humide aux odeurs de fleurs sauvages […] ».


*1er tome de « La Passion Cathare » en 2 tomes (aussi reliés aux Ed. Famot, Genève).
**Entre autres : Et Dieu reconnaîtra les siens, de J.-L. Marteil, en 3 t., L’Hydre éditions.
***La Chanson de la croisade albigeoise, Traduction Henri Gougaud, Ed. Livre de poche.