Peu enclin à la lecture (et encore moins à l’écriture) de « littérature-jeunesse », concept et réalité flous, il n’y a pas ou bien il y a littérature… j’ai eu envie de lire ce livre réédité. Bien m’en a pris, car l’auteur écrit de ce qu’il sait pour l’avoir personnellement expérimenté comme prof à Sétif, en tant que coopérant*, j’imagine, étant de la même génération. De plus, le locuteur est un jeune algérien qui a pris parti pour l’indépendance – et donc contre la France – ce qui change des éternels regrets de nostalgiques de la colonie et/ou des leçons acides de qui croit tout savoir sans avoir compris grand-chose à la guerre et encore moins à la suite. Voici une histoire entre deux garçons, un fils de colon et le fils d’un ouvrier indigène, à la fois emblématique et réaliste, à la fois fraîche et rude. La toile de fond n’est pas rose, durant cette guerre où les indépendantistes incendient les récoltes et où les militaires offensent, voire violent les jeunes filles, tandis que le racisme ordinaire est la règle dans les familles. Ce qui n’empêche une expérience captivante entre les deux jeunes. Je tire mon chapeau devant l’écriture, à la fois vulgarisatrice d’une situation vécue : « Esclave. J’étais un esclave. Je ne voulais pas travailler dans les champs comme Tayeb, Lakhdar, tous les autres. Je ne voulais pas être vêtu d’oripeaux. Ni de vêtements donnés. Les pantalons de Paul. Je ne voulais pas répéter toute ma vie : « Oui, Monsieur Barine ». Je ne voulais pas. » Et à la fois capable de restituer la force particulière qu’il faut avoir vue pour la dire : «[…] le marché couvert. Lieu répugnant où régnaient les bouchers adipeux et les marchands de volaille roublards. À l’odeur des mèches-mèches** murs succédaient l’exhalaison fade de la mort, les piaillements des poulets hystériques. » Ainsi, plus rarement, que d’exprimer la beauté : « Le ciel, lui aussi, se modifiait. Il n’avait plus la transparence du bleu pur de juillet, mais il était balayé de traînées blanchâtres. » J’offre le livre à mon petit-fils. C’est tout dire.

* professeur (ou technicien) français employé en Algérie après l’indépendance dans le cadre d’une convention issue des accords d’Evian.

* * Abricots (terme pied-noir).