L’aventurier qui se retrouva sur les fronts d’Italie, d’Espagne et de Normandie, écrivain consacré par un prix Nobel, préférait les nouvelles aux romans. La lecture de ces quatre textes confirme l’inutilité de tirer à la ligne en développant. États d’âme et personnages sont écrits avec vigueur quoique grande sensibilité. Deux textes se déroulent en Afrique. Mais pas de ces safaris aussi vains, qu’il s’agisse de trophées en chair et en os ou d’albums de photos. Ici, c’est toujours la peau qui se joue, plus que celle des grands fauves, celle des personnages et celle de l’auteur. On ne peut qu’être étreints par le sort du héros de Les Neiges du Kilimandjaro, qui va mourir de gangrène en se souvenant de ses trajets en Europe, et tout en avouant : « Jamais je ne t’ai aimée. » De même par L’Heure triomphale de Francis Macomber, lequel se révèle bon tueur de buffles après avoir montré sa lâcheté. Une touche de machisme de l’auteur qui se maria quatre fois lui fait décrire la femme pas toujours à son avantage. Heureusement, la nouvelle : Hommage à la Suisse traite avec quelque humour une vacuité désespérante en république helvétique… et ailleurs. Car Hemingway fait un croquis social sans indulgence : « Leur union avait des bases solides. Margot était trop belle pour que Macomber eût envie de demander le divorce et Macomber avait trop d’argent pour que Margot pût jamais le quitter. » Et pourtant, ceux qui sont décrits sans aménité le sont avec quelque tendresse mal dissimulée : « Je commençais à aimer votre mari. » A vous de voir si ces histoires vous tiennent aussi.