Depuis Stendhal et Mérimée** (et même bien avant), on n’en finit pas d’écrire sur les Corbières***, mystérieuse et sauvage terre entre montagne et mer, tache blanche entre histoire et géographie. Ce beau petit livre est joliment illustré de lavis sur papier (en encre sépia et noire) par Michèle Teysseyre qui, en artiste double (elle est aussi auteure de livres), a saisi les atmosphères des lieux évoqués successivement, de Tuchan et Salses à Padern et Bugarach. Rien de plus singulier qu’un pays à la fois aussi riche et désolé, rien de plus différent selon l’âme du spectateur ou du conteur. L’auteur dit autrement de cette « terre ardente et rebelle », les Corbières, qu’ « elles se déchiffrent avec le cœur ». Comme cette Notre Dame des Auzils sur La Clape, lieu de foi protecteur des marins par sa chapelle et à la fois zone païenne de son nom : auzil (chêne vert) signant la marque de yeuses séculaires car là « les chênes kermès frissonnent dans un doux cliquetis de médailles ». Comme Cucugnan, le vrai, celui de Gougaud et pas celui de Daudet, « nid de tuiles roses », ou encore comme la Montagne d’Alaric où « le souverain aurait été enseveli avec ses femmes, ses éléphants et ses coffres remplis de fabuleux trésors. » Le tout est complété en postface par Pierre Yves Péchoux, avec une carte d’Elysée Reclus (fin XIXème), en complétant d’une vision plus historique : « Cependant ces campagnes largement vidées des hommes qui les ont façonnées et des paysans qui les entretenaient ne sont pas vacantes. Car une quatrième métamorphose les affecte… ». Lectrice, lecteur, bon voyage !

* clairsud@free.fr 
**
l’Aude traversière, Jean-Michel Devreau, Ed. L’atelier du gué.
***
Chant général, de Francis Pornon, Ed. Encres vives.