Ceci est d’abord l’histoire reconstituée et fictionnée du père de l’auteur. Non pas un récit complaisant ou prétendant régler dérisoirement les comptes. Un beau roman et une sacrée aventure à la fois pour l’auteur et son lecteur. « Inscrire bagnard à la case profession du père sur la fiche de rentrée à l’école ? Finalement, son silence m’avait longtemps protégé. Cette protection avant disparu d’un seul coup. Elle me laissait vide, impuissant. » Dans ce livre alterne le récit du père et celui, en italique, d’un scénariste qui tente d’écrire l’histoire, substitut à peine voilé de l’auteur. L’histoire commence par le procès d’un meurtrier indigène à Bougie, ville coloniale d’Algérie. Une banale affaire de rixe au bordel. Mais le soldat indigène qui ne sait pas s’exprimer est évacué et condamné… au bagne à Cayenne ! La situation du drame à Bougie m’a sans doute ému parce que je vécus là bien après et que j’y fréquentai aussi les restes inversés du racisme après l’indépendance. Mais c’est surtout d’autre chose qu’il s’agit dans ce voyage où nous entraîne Mouloud jusqu’au bagne vécu par son père comme il a été habité injustement par d’autres, Dreyfus, Seznec et Cie. C’est si fortement vécu que j’aurais juré qu’Akkouche avait vraiment visité Cayenne. Et dans ce récit s’en emboîtent plusieurs comme les aventures gigognes de la mémoire et de l’écriture. Une forte écriture. Comme cette vision au retour au pays : « Ses yeux fouillèrent nerveusement autour de lui. En vain. Il ne retrouvait pas ses marques. L’impression d’être un étranger ne le quittait pas. Sur la balance du temps, les années passées hors du village pesaient plus que les autres. » Un beau livre à se procurer (il est paru en 2001).