L’inauguration d’un très grand parc des expositions à Toulouse se passe sans grands tambours ni trompettes. Conséquence de la gêne du virus ? Certes, mais d’autres raisons font que l’affaire (c’est le cas de le dire) gêne aux entournures.

Voici donc à Aussonne, non loin des pistes de Blagnac – et des industries d’Aéroconstellation – un parc si étendu qu’il prétend rivaliser avec ceux de Bordeaux et Montpellier, ce que regretta d’ailleurs une commission d’enquête préalable. Son démarrage poussif et son coût prévu (311 millions d’euros compte non tenu du coût réel et de la maintenance à venir), font que trois associations de défense des citoyens accusent. Non au gratte-ciel de Toulouse, Autate (association d’usagers) et Droit au Logement signent un communiqué commun.

Assurant qu’avec la crise du transport aérien,  c’est tout le pari de ce type de parc en connexion avec l’aéroport qui est en faillite, ils se posent des questions :
Pourquoi Toulouse a-t-elle fait le choix de surdimensionner ce projet alors que d’autres villes françaises comme Strasbourg et Lille ont eu la prudence – bien avant la crise du Covid 19 – de revoir le volume des investissements publics à la baisse ?Où en sont les mirobolants projets annexes annoncés : hôtels, restaurations, commerces, activités industrielles et de services ? Où en est-on sur le retour de ces investissements colossaux ? Et pour finir : combien les contribuables ont-ils dépensé pour ce projet jusqu’à ce mois de septembre 2020 ?

Des questions subsidiaires en découlent, entre autres pourquoi n’avoir pas saisi l’opportunité de reconstruire un Parc d’Expositions rénové et végétalisé sur une île du Ramier totalement verte, idéalement situé en centre ville et à l’échelle du tissu agroalimentaire, artisanal, industriel et culturel de la région toulousaine ? De toutes façons, pourquoi n’avoir pas choisi de développer ce Parc par phases successives ?

N’étant pas spécialiste d’équipement commercial local, je ne peux pourtant m’empêcher de poser sur l’affaire un regard citoyen rationnel. A ce moment où se révèle une nouvelle situation, qu’elle plaise ou non, notamment dans l’aéronautique, à ce moment où, que cela plaise ou non, il va bien falloir modifier nos modes de production pour sauvegarder le monde, qu’est-ce qui pousse nos élus à s’obstiner en de tels choix ?

Je me souviens d’Aussonne au temps où je courais la campagne, courant le guilledou et aussi les champignons des prés. Malgré les bruits de projets aéronautiques, le coin gardait parfois un aspect idyllique, en tout cas très champêtre non loin de Toulouse. Commune rurale de 1 000 habitants vers 1970, qu’en a-t-on fait avec ces immenses bâtiments édifiés sur des terrasses titanesques ?

Passe encore si cela tournait à fond, mais que dire quand on en est à racler les fonds de tiroir pour trouver des activités l’occupant ? Et que penser, sachant que le béton est occasion de produire une forte quantité de CO2, cause de réchauffement climatique, tandis que l’on s’éveille à tâcher de reverdir l’environnement des grandes villes comme la ville rose ?

Devant l’énormité des sommes engagées et aussi de celles à venir dans de telles opérations, on peut qu’entendre la voix râleuse du sens commun. Quelle monnaie d’échange et quels dessous de table peuvent accompagner ces marchés et finalement à qui profitent-ils tandis qu’ils sont payés par les impôts des citoyens lambda de la ville, du département et de la région ?

Pour le sourire, Le dernier seigneur d’Aussonne fut Samuel-Jacques-Louis-Jean-François d’Aussonne. Avocat et conseiller au Parlement de Toulouse qui fut condamné à mort en 1794 par le tribunal révolutionnaire de Paris. Si tous les propriétaires de lieux objets de spéculations immobilières douteuses étaient condamnés à mort, il est clair que la guillotine ne chômerait guère.

La peine de mort est certes supprimée depuis longtemps, mais il risque qu’avant longtemps la cécité et l’égoïsme de nos édiles métamorphosent la terre en planète moribonde et les terriens, nous avec parents et enfants, en êtres empoisonnés.

Tahar Ben Jelloun écrit dans L’Auberge des pauvres : « C’est formidable les gens qui ont des certitudes, qui ne doutent jamais. Ce sont des gens en béton. Mais il faut se méfier du béton. La moindre fêlure dans le mur peut entraîner la chute de toute la maison. » Quelle chance ils ont, ceux qui ne sont jamais rongés par le doute ! Et quelle inconscience !