Dans l’arène de la Résistance, le drame est emblématique de la condition humaine et aussi intime : le vieux combattant libertin sera-t-il préféré par la jeune fille aux jeunes, l’un romantique et l’autre militant naïf ? L’aventurier savait de quoi il causait. Pour moi le plus clairvoyant et le plus courageux des romans sur ce moment. Car l’auteur, membre d’un réseau, prit soudain du recul pour une remise en question avant même la Libération. Bien des auteurs et des résistants, de la dernière heure ou pas, n’en ont pas fait autant !
J’ai découvert Vailland tardivement, lorsque je m’intéressai particulièrement au libertinage, avec Eloge du cardinal de Bernis*. Un grand auteur méconnu, ou du moins occulté. Un de plus. Car l’auteur, catalogué « réaliste socialiste » pour 325.000 francs**, écrivit aussi La Fête et La truite, d’une tout autre eau. Pour ne rien dire des nombreux films adaptés de son œuvre et ne citer d’autre que La Loi (prix Goncourt) et les Ecrits intimes***. Dans ces derniers il confie ne jamais plus vouloir travailler sous le portrait d’un homme (il avait décroché celui de Staline dans son bureau) parmi d’autres choses passionnantes sur la politique, la philosophie et l’amour. Ce qui m’emballe pour lui : son évolution dans une démarche d’une pensée originale, vraie, non pas consensuelle et acritique comme il est généralement de mise aujourd’hui. Quant à son écriture, par-delà des tableaux sociaux très informés, je reste ébahi devant la plastique théâtrale d’une concision hachée et ciselée.
« Mais je voudrais bien savoir ce qui, à vos yeux, n’est pas un jeu ?
― La vie, la vie toute simple.
― Comprends pas. […] »
« Nous sommes dans le temps du dégoût […] Ceux qui auront dormi pendant la nuit de la honte ne connaîtront pas le jour de gloire… »Conquis, je suis parti sur les lieux d’écriture de ses livres (dans l’Ain) pour écrire un roman de la route où j’évoquai l’écho de Vailland, père putatif, et en même temps de mon vrai père****.

* Les Cahiers rouges (Grasset) ; **Film éponyme de Jean Prat ; ***Gallimard.
**** Un homme seul, Ed. Paroles d’Aube, 1995 (épuisé, voir en bibliothèques mais ne se trouve pas dans les bibliothèques de Toulouse).