Eté 1218 : Il y a huit siècles se jouait au siège de Toulouse le sort de l’Occitanie indépendante avec ses particularités, dont une condition féminine qu’on pourrait dire « libérée » avant l’heure, du moins parmi la noblesse.

Après l’invasion par une Croisade sur injonction papale et accomplie par des barons à la fois fanatiques et cupides, les troupes du Comte de Toulouse, alliées à celles du roi d’Aragon et à la milice populaire toulousaine, avaient perdu en 1213 la bataille de Muret, ce qui sonnait la fin de l’essor d’un Sud prospère tentant de s’unir. Pourtant le monde occitan, dominé par les puissants comtes de Toulouse, avait alors pour hérauts les troubadours, poètes de protestation et d’amour qui chantaient en langue d’Oc dans toute l’Europe occidentale la valeur de la fin’amor (amour courtois) et le mérite des dames qui le pratiquaient tout en jouissant, en plein Moyen-Âge, d’une condition remarquable où elles pouvaient régner, hériter et profiter d’une indépendance vis-à-vis de leurs époux.

On connaît l’exemple d’Eléonore d’Aquitaine qui marqua son siècle (le XIIème) mais on pourrait citer aussi Azalaïs de Toulouse, mécène également, fille du comte Raimon V et dite aussi « Azalaïs de Burlatz » car elle résida dans la citadelle de Burlatz près de Castres et non chez son mari le vicomte Rogier II de Carcassonne.

Or, le comte Raimon VI – frère d’Azalaïs – qui avait dû fuir après la défaite de Muret, rentra avec son fils dans Toulouse occupée par la troupe des croisés et la population massacra la garnison française tandis que le chef croisé Simon de Montfort combattait dans la vallée du Rhône. Ce dernier revint entamer un siège de la ville. C’est alors qu’une machine de jet actionnée par un groupe de femmes, lança dans sa direction une pierre telle que le casque de Montfort explosa en même temps que son crâne. Après ce fait dont Toulouse vient de commémorer le huit-centième anniversaire, son fils et son épouse levèrent le siège de la ville pour battre en retraite.

Raimon VI et son fils Raimon VII allaient lancer par la suite la reconquête progressive de l’essentiel de leurs terres. Mais ces victoires ne feront que retarder l’annexion du vaste domaine des comtes de Toulouse. La vicomté de Béziers, d’Albi et de Carcassonne bientôt rattachée au domaine royal au cours de la croisade du roi Louis VIII, « Le Lion », le comté de Toulouse entrerait dans l’apanage du prince capétien Alphonse de Poitiers (frère de Saint-Louis et gendre de Raymond VII), puis serait rattaché à la Couronne en 1271.

Ainsi, avant la restriction de sa langue comme peau de chagrin, se délitait le monde occitan et sa culture, avec un coup d’arrêt pour de longs siècles à l’émancipation et aussi à la valorisation féminine que l’on ne verrait ressurgir que bien longtemps après…

« Azalaïs de Boisanson / Fait son prix meilleur que bon » (Raimon de Miraval).