Il est au quartier Saint-Cyprien, une petite librairie indépendante 24 avenue Etienne Billières. Tandis que la plupart des établissements du genre se trouvent au centre de la ville rose, nous voici donc rive gauche en plein quartier réputé populaire, à la vérité maintenant habité par nombre de couches moyennes. Malgré le confinement, la librairie qui organisait des événements littéraires depuis une douzaine d’années, est plébiscitée par les acheteurs locaux : « Nous avons constaté un large soutien des librairies indépendantes de taille moyenne. »

Or, par-delà le fléau, est survenue un autre cataclysme : l’interdiction de vente directe des livres. Ainsi est gouverné notre royaume de France, que, pour tenter de parer une crise économique, on interdit toute activité n’étant pas décrétée « de première nécessité », où le gouvernement range les livres.

Cette librairie comme d’autres, a mis en place un service de « click & collect » sur lequel « il est possible de voir le stock en ligne et de réserver et/ou commander des livres en quelques clics puis de venir les récupérer à la librairie. » Toutefois ceci restera modeste en regard du chiffre de vente habituel. Les citoyens privés de spectacles vivant et de cinéma présent, le sont en fait aussi de livres !

Dans sa Lettre aux instituteurs, Jean Jaurès souligna l’importance fondamentale de la lecture pour l’éducation. Fait d’époque, les lecteurs en région plébiscitent les thèmes régionaux (historiques, dits « de terroir » et touristiques). Provisoire ou pas, la fermeture des librairies et rayons en grandes surfaces met un violent coup d’arrêt aux achats de livres concernant l’Occitanie. Un éditeur exprime ce coup de sang : « Nous sommes très en colère, car personne ne parle de nous, les éditeurs, les diffuseurs/distributeurs, correcteurs, graphistes, imprimeurs, vendeurs en grandes surfaces… »

Ainsi est frappée toute une série de corps de métiers, sans oublier les auteurs à l’origine de la chaîne du livre, eux qui travaillent pour un droit maximum de 10°/° brut et à grands risques de ne pas placer leur manuscrit. Selon quelqu’un encore, on parle trop de commerces qui auront des aides et gardent toutefois le droit de vendre les livres par correspondance ou par commande, tandis que rien n’est alloué aux autres maillons de la chaîne. Je souligne pour ma part le pouvoir des distributeurs qui contrôlent, donc imposent ou éliminent, tandis que les libraires indépendants peuvent fournir des livres anciens, sur commande, voire encore en stock.

La pandémie est réelle, il n’est que des complotistes ou barjos à la Trump pour la nier. Cependant, elle est évidemment manipulée par les grands qui nous gouvernent en sachant habilement prétexter du fléau pour enserrer les libertés. Au lieu de rouvrir les librairies, ils ont interdit les livres partout ! Sous couvert de realpolitik, c’est une catastrophe de civilisation. Après la terreur et la claustration, voici la tentative de priver d’âme. « Lire, c’est boire et manger. L’esprit qui ne lit pas maigrit comme le corps qui ne mange pas.  » (Victor Hugo). Le poète dit la nécessité de la lecture pour un peuple afin de se connaître et s’affirmer.

Arianne Ascaride a écrit à Macron, regrettant qu’il n’ait pas prononcé le mot culture. Ce n’est pas un oubli. Le système capitaliste régnant sur la terre, patine et trébuche à gérer la crise. En laissant les ultra-riches continuer à s’enrichir, il fait précipiter dans la pauvreté des millions de gens et ne parvient à contenir le covid qu’en aggravant une crise économique inouïe. Alors, il faut priver les gens de leur âme afin qu’ils restent sages dans le chaos.

Pour le sourire, « C’est en lisant qu’on devient liseron » selon Raymond Queneau, cité par François-Xavier Schmit, le fondateur de l’Autre rive. Cette boutade du chef de file de l’OULIPO, groupe littéraire dont fit partie Pérec, insinue que l’on ne sait où mène la lecture, sinon à des feuillaisons, belles mais imprévisibles et hors contrôle. Trop risquées pour le système du marché qui calcule le bonheur en soustrayant ce qui se vend mal ou pourrait se vendre à la place de ses productions industrielles standardisées, comme celles des armes vendues aux belligérants.

Lock-out donc des activités artistiques et culturelles, peinture, sculpture, musique, chant, sans oublier livre et écriture !

Question : le gouvernement reconnaît-il l’intérêt d’écrire autre chose que des discours officiels ?