Un chaud commentaire du critique de l’Humanité (Alain Nicolas) et le thème m’ont incité à acquérir ce livre très récemment paru. Il s’agit de la tentative par un Français, ancien mobilisé aux « événements », de faire entendre la vérité à une jeune Algérienne qui lui demande des comptes sur son le sort de son grand-père. Non, il n’a pas trahi son ami, comme il tente de le reconstituer lui-même. Cette plongée dans les arcanes de la mémoire est sans doute bien rendue par les sinuosités du récit et de l’écriture. On y découvrira en tout cas bien des faits méconnus ou oubliés, comme la nomination systématique d’un soldat français « chef » à la tête d’une communauté kabyle issue du regroupement après que les villages environnants aient été rasés… L’écriture me rappelle plus le « Nouveau roman » que les thrillers actuels, ce qui est un hommage à l’auteur… Mais je crains que le lecteur d’aujourd’hui, dressé au mode de récit des séries télévisées, n’ait de la peine à suivre ces errements dans la vérité historique et psychique.
À lire cependant pour le vécu si juste : « […] dans un désespoir irrémédiable mais familier, la mechta, comme toutes les sociétés humaines, finirait bien par admettre sa présence déplacée – il y serait une variante d’idiot ou de putain du village, une sorte de […] ravi. »
Avec parfois de beaux moments de poésie, bien qu’inspirée par une culture plutôt septentrionale : « pour qualifier la teinte des yeux de la vieille femme, émeraude, huître, vert vitrail, ou la couleur de la Manche quand elle a été chahutée, près des côtes vaseuses ou des estuaires limoneux, par des heures et des heures de tempête continue. »