Un « cagot », c’était un exclu au Sud, pourtant réputé traditionnellement plus tolérant que d’autres régions de France. Aussi nommés « cagotes » en Espagne du Nord, cette catégorie de gens devaient résider à l’écart et ne pas toucher les objets des « bons chrétiens », sans que rien n’explique une ségrégation condamnée par l’Église, par le roi Louis XIV et bien sûr aussi par des libres penseurs. C’est ce que révèle ce roman du journaliste Jean-Jacques Rouch, basé sur une information historique solide. Sachant que les cagots devaient en certains endroits porter en insigne sur leur vêtement (en l’occurrence une patte d’oie), voici une mésaventure qui en rappelle d’autres du même genre. L’auteur, connu à Toulouse pour ses romans historiques, mériterait que le « parisianisme » s’ouvre aussi à une histoire au moins aussi intéressante que celle de la capitale. Il nous donne en tout cas ici une épopée frémissante au XVIIème siècle depuis un village du toulousain jusqu’à Saint-Jean-de-Luz où le roi va épouser pour raison d’état l’infante Marie-Thérèse. Jean le cagot n’a pas de patronyme et se trouve interdit par un racisme populaire, de toucher les objets sacrés comme de toucher les personnes normales. Un jour, il touche la bible en public et s’en suit toute une répression où il perd femme et maison. Il décide alors contre la tradition de recourir au tribunal. Après moult péripéties, il va finir par l’entremise d’une belle dame – elle aussi d’origine cagote – par acquérir nom et droits… en même temps que l’amour, ce qui ne gâche évidemment rien. La narration est un peu chargée en références à mon goût, mais prenante et pas sans qualités sensibles : « Une saveur étrange et envoûtante où se mêlaient l’odeur forte de la sueur de l’amour et celle, plus subtile et piquante à la fois de ces herbes fraîches dont elle se frictionnait après les avoir cueillies à l’aurore de chaque matin. » Un livre instructif et plaisant que je vous souhaite de lire.