Il fut un temps où les djihadistes étaient envoyés par le pape… Cette suite de romans historiques le conte en quatre tomes, avec moult rebondissements et digressions, comme il se doit. Mais dès le premier (Adelaïs, comtesse de Toulouse), on voit qu’en contant notre passé ces livres « de terroir » disent plus qu’il n’y paraît notre présent. Les amatrices d’états d’âme d’héroïnes actuelles ne seront même pas déçues, tant la protagoniste peut évoquer le destin d’une femme de nos jours. Cette Azalaïs (Adelaïde à la française) était fille du Comte Raimon V de Toulouse et épouse du vicomte de Carcassonne : Rogier II Trencavel, adversaires en guerre fréquente. Elle fut une des premières femmes modernes, à tenter de gouverner elle-même son propre destin, non sans difficultés, emportée qu’elle était entre ses obligations et dans les cataclysmes du temps. Les aventures de l’héroïne qui, bien qu’elle sût monter et se battre, préférait protéger les troubadours et pratiquer plutôt l’amour que la guerre, rappellent la grande Histoire vue parfois par le biais des petites histoires. Mais elles traduisent aussi les passions et aspirations d’une souveraineté féminine en train de s’affirmer. L’auteur est expert en détails d’époque qu’il dispense parfois à foison, comme lorsqu’il décrit les vêtements de sortie du personnage : « Sur une chemise fine plissée au petit fer […] j’avais passé un bliaud de soie au corps fort moulant […] avec des manches rapportées s’ouvrant jusqu’à terre, taillées dans un tissu de soie noire en nid d’abeille. » Mais il tente aussi une compréhension empathique en évoquant la sensibilité de cette femme. De plus, il est capable d’envolées lyriques pour décrire la nature, forêts ou garrigues, avec flore et faune, jusqu’aux hordes de loups, et aussi pour évoquer des palais : « On y circulait sous des arcs entrecroisés, des voûtes aux nervures en étoile, des portes finement ouvragées, encadrées d’un alfiz blanc, de dentelles de stuc, de mosaïques scintillantes […]». De quoi passer le temps avec plaisir, certes. Mais surtout est ici révélée ou confirmée l’épopée du Sud médiéval, l’Occitanie et la Catalogne tant oubliées, temps des croisades contre « le Pays de Cocagne » sous prétexte d’éliminer l’hérésie cathare. On le sait, la mémoire peut être un talisman contre la répétition des catastrophes.