Le ton est donné dans le titre, pas de préciosité mais des références. Ce recueil de poèmes est difficile à cataloguer, tant il conjugue vers libre et scansion régulière, sujets intimes (l’amour) et la politique, forme soignée et provocation. Les titres signent la provoc : « Cigarette 1 », 2, etc. On n’est pas dans le correct, ni politique ni moral. « Aimer tue / Aimer nuit gravement à votre santé […] Aimer peut diminuer l’afflux sanguin et provoquer l’impuissance… » plagie la campagne de Tartufe de l’Etat contre la clope qu’il taxe en même temps. « La poésie doit avoir pour but la vérité pratique », c’était la devise d’Eluard, reprise par Action poétique et aussi la conviction de la beat generation. La présentation de couverture dit plus : « Il est temps d’engager fraternellement la poésie auprès du peuple qui souffre. » Je reste parfois un peu sur ma faim (l’auteur est prix Arthur Rimbaud !) dans l’expression simple et nue qui serait prose banale sans les césures. Mais on peut citer quelques réussites : « On ne parle pas des poètes morts / A dit le rédac chef adjoint / On ne parle pas non plus des poètes vivants…» Avec l’agrément de trouver des alexandrins : « Alors pour le plaisir de virer parano », on redécouvre celui du sonnet (« Cigarette 32, sonnet zippo »). L’anecdote devient profonde parfois, entre autres au sujet de l’auteur et son éditeur, l’homme ayant bourlingué et la jeune éditrice : « Comme j’ai du temps je vais bavarder / Place du Pouffre avec mon éditrice […] Et Juliette répond aux visiteurs / C’est engagé, oui le texte est hardcore […] »

*Dans sa collection de poésie l’éditeur publie aussi : Sur la barricade du temps, une anthologie bilingue du grec Titos Patrikios et Une autre ville de Vlada Urosevic, un Macédonien qui travailla à la revue Europe.