Toujours un peu prudent face aux premiers romans censés révéler le génie du siècle, je me suis cependant plongé dans la lecture de celui-ci car l’autrice habitait près de chez moi. J’avoue avoir été saisi d’emblée par l’atmosphère ultra-religieuse, plus que bigote, presque conventuelle, témoignant d’une bonne connaissance de ce monde rythmé par les prières et enclos par des murailles de préjugés. Il fallait sans doute l’avoir plus ou moins vécu pour l’évoquer si fortement, et s’en être évadé pour en saisir si justement les mécanismes. Surtout, il fallait trouver une intrigue porteuse d’un statut si terrible de la femme, ce que Maylis a su faire justement en femme, investissant un personnage de jeune épouse mère éperdue dans une famille où les règles écrasent sa personne. A-t-elle forcé le trait en inscrivant aussi cette famille dans un cercle d’extrême droite : « Les Frères de la Croix » où la vertu du jeune mari est tout simplement de casser (et tuer) du gauchiste sous couvert de valeurs « françaises » et ultra-catholiques ? Vue la conjoncture actuelle, j’en doute et je pense cette lecture recommandable aussi pour cela. On pourra ainsi dans ce livre découvrir les arcanes des agissements d’une ultra-droite ultra-catho, étonnantes pour le quidam républicain, non seulement par ses références théoriques mais encore par ses actes militants au sens propre (militaire). La guerre sainte n’est pas, loin s’en faut, seulement le fait de musulmans ! Au demeurant, on est porté par la fuite à la fois désespérée et optimiste de la jeune mère s’échappant avec son bébé pour rencontrer des marginaux dans une campagne salutaire. Tout en restant interpellé par la foi et la culture profonde et corsetée de l’héroïne. Et aussi par le déficit inouï d’amour dans un univers dénué de cette valeur et où il faut la trouver au hasard d’une pérégrination rocambolesque. Epouse et mère sans plaisir, avec douleur et navrance en fait, l’héroïne connaîtra la jouissance seulement lors d’une brève rencontre. Je trouve l’écriture parfois un peu facile, notamment dans les suites de dialogue. C’est pourtant très maîtrisé et chargé de sens, bien sûr dans l’évocation de l’amour enfin connu, mais aussi et surtout dans l’évocation du délire fidéiste : « Ce soir, douze femmes résisteront au vice pour l’amour de Dieu. Sixtine est fière. Elle fait partie de ces nouveaux apôtres du nouveau temps. Une joie pure s’immisce dans son cœur. Elle n’est pas seulement une femme sur le point d’enfanter, mais une résistante, une combattante de Dieu, une héroïne de la chasteté. »