C’est le cas de Jean-Louis Viguier qui laissa un recueil intitulé : Tu, poèmes en occitan récemment édités chez Letras d’òc. Comment peut-on écrire en occitan de nos jours, en France où les langues régionales sont depuis longtemps quasi interdites ? La solution fut peut-être soufflée par Félix Castan qui célébrait l’identité culturelle occitane, énorme patrimoine outre l’identité nationale.

Quoi qu’il en soit, on peut découvrir un poète et des meilleurs en cette édition bilingue, grâce à un éditeur local et avec l’aide de la région Occitanie. Aussi avec le concours d’Eric Fraj, traducteur, passionné échappant à la pression (l’oppression) du marché qui impose quelques noms au détriment de la cohorte des inconnus ou du moins méconnus. Ce poète fut récemment donné à la Cave poésie de Toulouse au cours d’une séance littéraire et musicale ou l’ami Eric, chanteur en occitan, catalan et français, fut accompagné d’un guitariste et d’un bassiste, ainsi fidèle à l’origine de la poésie dite. Avec cette édition accompagnée d’un disque, il s’agit d’une déclinaison d’adresses ou d’invocations à l’être aimé : Abans tu (avant toi), Per tu (par toi) A tu (À toi) etc. durant dix-sept séries de morceaux composés de lambeaux poétiques, sortes de haikus ou plutôt d’instantanés de cocktails émotifs ou clichés concentrés et explosifs. Difficile de comprendre cette poésie comme l’est le surréalisme fait plutôt pour toucher à l’inconscient où il tâche d’entrer et revenir. On en est pourtant remué par cette lecture qui distille une alchimie de la nature et du corps tirée bien-sûr de l’esprit et du cœur qui la forgent. En voici quelques bribes extraites de Al luènh de tu (Au loin de toi) :
« Absenta forma de memòria (Absente forme de mémoire) / Uòo disparièr que giscla (Oeuf dissemblable qui gicle)
Potz de remembres que miralhan (Puits de souvenirs qui miroitent) / E mon còs ta cara carn de persèga (Et mon corps ta chère chair de pêche) […] »
Ce qui parle de l’absence de l’aimée, ainsi déchiré et espérant, descend tout droit des troubadours et leur amour de loin. Contrairement au bavardage médiatique et même au discours scientifique, en notre monde d’ores et déjà condamné, souhaitons qu’il puisse être salutaire ce dit des profondeurs de l’humain.